Cathy
 
L'olivier

Le 20/01 jour anniversaire de Jean Philippe (30 ans)

En soirée, une petite visite de Cathy qui était la promise d'Olivier au moment de son accident en avril 1986.

 
"Tu viens de partir après être passée me voir une fois ton intervention terminée dans la salle de travail de l'Escoub.
C'est vrai qu'il est émouvant et difficile de ne pas associer Olivier à chacune de nos entrevues. Je sais bien que nos vies sont maintenant bien organisées sans lui et que le deuil est fait normalement le temps passant.
Je ne me sens pas aujourd'hui de planter, comme tu me le demandes, un nouvel olivier dans le jardin, je ne saurais pas où le mettre et ce n'a plus beaucoup de sens pour moi mais si tu insistes je le ferai pour toi.
Au soir de ma vie je suis impressionné par le message que j'entends intérieurement des enfants qui m'entourent. Ils n'ont pas de passé et leurs problèmes se situent dans la minute présente. Je me vois à leur âge et c'était hier vraiment. S'il me reste quelques années à vivre, une dizaine ou plus qu'importe ? Ce sera demain. 
Le temps est vraiment une notion illusoire et vivre vingt ans comme Olivier ou plus, il n'y a guère de différence."

Cathy et Anne Françoise en 1987

Je suis d'accord pour que tu communiques mon message, je suis d'accord pour que tu le mettes sur le site. Je suis rentrée dans l'histoire et suis d'accord de continuer...avec TOI.
Je t'embrasse
Cathy

Dans un e-mail daté du 20/01/03 16:01:32 , Cathy a écrit :

Bonjour Marc, 
je te remercie d'avoir pris le temps de penser à ma demande et de me donner une réponse claire. Cela me permet de voir un aspect de la question que je n'avais pas du tout pris en considération: la vision du jardinier et la place qu'il accorde à chaque plante... Je crois que je n'avais pas pensé qu'un arbre puisse ne pas avoir de place, plus précisément cet arbre-là... Dans tous les cas je respecte pleinement ce que tu ressens et il est clair qu'en aucune manière, je ne souhaite t'imposer "mon" olivier, cela perd tout sens pour moi, dans cette optique. Je suis certaine que je trouverai un lieu qui symboliquement me conviendra aussi, car il se trouve que pour moi le deuil n'est pas complètement fait, normalement le temps passant, comme tu dis.
J'ai eu un peu de peine, mais je sens que ce n'est pas très profond, et ta franchise m'a aidée à me détacher, ou à commencer à le faire. Qui sait, c'est peut-être une étape de mon deuil, inattendue!
Je ne comprends pas vraiment le reste de ta lettre, ça m'échappe... Tant pis ! 
Marc, je t'embrasse et te dis... à un de ces jours...
Cathy


 
J'interpelle mes sœurs :

<< Bonsoir mes soeurs !
Je ne voudrais pas prendre votre temps si précieux ni encombrer votre messagerie mais à mon message d'hier sur l'olivier je reçois cette réponse de Cathy.
Ai je eu raison dans le rejet de la plantation et mes réflexions sont elles si obscures ? bM >>


en 1985

Denis prend part au débat
Dans un e-mail daté du 26/01/03 23:32:52  DeniMasson a écrit :

Cathy,

J'ai lu sur le site de Marc le message que tu lui as adressé à propos de l'olivier. 

La franchise de Marc t'a aidée. Tant mieux. Toutefois, je ne pense pas, comme tu affectes de le croire sans en être dupe, que les considérations jardinières soient celles qui dictent son comportement. 

Comme toi, il n'a pas fini de faire son deuil. C'est normal : quel père ou mère le pourrait jamais ? Il a cependant la volonté d'entreprendre cette tâche peut-être irréalisable. Ne sachant pas plus que toi comment faire, il s'accroche à la seule certitude : la vie continue ; elle est et doit être la plus forte ; et il faut donc se tourner vers le présent et l'avenir. Il entend ainsi le message que lui adressent ses petits-enfants et tous les autres enfants. Il a raison. Et s'il te refuse de planter l'olivier, c'est qu'il craint confusément que cela ne le replonge involontairement dans le passé et dans des émotions qu'il ne contrôlerait pas.

Tu peux le comprendre, toi qui affirmes n'avoir "pas complètement fait le deuil". C'est là l'aspect un peu effrayant de ton message, et celui qui me touche le plus. Toi qui par certains côtés a été de nous tous la plus proche d'Olivier, quelle a pu être ton existence pendant toutes ces années, si tu n'as pas encore fini de franchir cette étape ? Olivier aimait la vie. C'est lui être fidèle que de l'aimer nous aussi, de nous ouvrir à elle, de la savourer comme il l'a savouré et comme il aurait continué à le faire s'il était resté parmi nous.

Cela dit, l'arbre est un beau symbole. Avant sa mort en 1980, mon frère avait planté des petits hêtres dans une maison de campagne. Après le décès, c'est moi qui les ai soignés et fait grandir. Aujourd'hui, je ne retournerai plus dans cette maison où j'ai passé une partie de mon enfance. Sans regret pour mes souvenirs. Mais non pour les arbres. Je comprends parfaitementton geste.

C'est pourquoi j'ai envie de te dire à toi et à Marc, que faire son deuil, c'est tourner une page de notre histoire. C'est avoir envie de continuer le livre, d'y trouver d'autres choses, de nouveaux plaisirs. Mais il est vrai également que tourner n'est pas déchirer. A tout moment, on peut revenir sur la page, la relire, y flaner, s'y ressourcer... pour mieux reprendre le cours du livre par la suite. 

Pour moi, planter un arbre, c'est ajouter une image à la page qui nous a marqués. On reviendra la voir de temps en temps. Sans pour autant la fétichiser. 

Aussi, je m'associe à toi pour demander à Marc de planter un olivier dans le jardin de l'Escoubaïre. Cela me ferait plaisir pour Olivier, pour Sylvie, Anne-Françoise, Laurence et Jean-Philippe, pour toi qui dix-sept ans après n'a toujours pas oublié.

Et pour Marc aussi. Car je ne partage pas ses peurs. Ses petits enfants continueront à le ramener vers le moment présent. Ils constituent son meilleur viatique.

Denis

Denis était le jumeau, à quelques mois d'Olivier, son cousin très proche.
Je ne me permettrai pas de faire des commentaires sur ce texte émouvant. Je pense seulement que je vais être obligé de planter un nouvel olivier dans le jardin comme Sylvie me le conseillait après avoir lu le texte de Cathy.
voir  journal du mois 
bM  (ou bises de Marc)
 

Sylvie :

<< Petit papa, 

Je trouve ta réponse à Cathy merveilleuse de bon sens. Le temps présent est si éphémère et essentiel à vivre. Les enfants nous le montrent bien. Cathy apparemment a très bien entendu le message, même si ça l'a un peu secouée, ça l'a fait avancer.

Peut-être peux-tu juste envisager la place d'un autre olivier dans ton jardin, cela ne changera rien à toutes ces réflexions ? >>
 

Réponses de mes soeurs :

sur l'olivier Date : 21/01/03

<< Je veux bien ajouter ma petite réflexion, comme tu le demandes, sur le temps.

C'est vrai que les jeunes savent vivre le temps présent et que nous avons à nous entraîner à vivre intensément la minute présente pour enrichir notre vie et renouveler notre énergie au lieu de la perdre dans la peur de l'avenir.
Vivre 20 ans ou 80 et plus est pour moi différent. Le passage pour une autre vie, la vraie VIE est bien plus long et nous avons à nourrir notre foi, à gérer nos différentes étapes d'évolution en leur donnant un sens toujours adapté et dynamique.
Quant au temps du deuil, il dépend vraiment de chacun et pour certain durer jusqu'à sa propre mort sans doute avec intensité et expression différente mais bien toujours présent.
Voilà.Bisous. Lisette. >>

Eh bien merci Lisette !
Il me semble que ça en valait la peine de t'interroger !
Quand je pense à toi je t'imagine en grand-mère et arrière-grand-mère très au fait de chacun des tiens et particulièrement sollicitée. 
Pour moi j'apprécie vraiment d'utiliser l'ordinateur pour laisser quelques traces de qui je suis. J'en repousse peut être quelques tâches que je trouve moins importantes mais je cherche à ne négliger personne.
Bonne santé à vous deux ! Et n'oublie pas de me faire parvenir le bouquin de François quand il sera sorti ! bM
 

Dans un e-mail daté du 21/01/03 11:08:27 Annie : un olivier 

<< j'ai lu tes réflexions sur la plantation d'un olivier réclamée par une certaine "Cathy"(une de tes nombreuses relations épistolaires qui ne nous concernent pas) 

Ne pas ressasser le passé nous permet de vivre le présent plus sereinement avec des projets pour les jours à venir : c'est le tonus de la Vie qui nous est accordée pour un certain temps...et il faut savoir trouver, en tout, le coté positif pour découvrir " l'essentiel" de ce que nous avons à vivre aujourd'hui. Grosses bises Annie >>

 

 


 
Première visite hier soir sur le site de l'Escoubaïre, suite à ton invitation. 
Assez surprise, ma foi, du remue-ménage suscité par ma demande... et des réactions partagées de ma part. Le texte de Denis (que j'ai imaginé comme étant un ''vieil'' ami à toi, plein de sagesse du haut de ses années !! et qui s'avère être un cousin ! [germain d'Olivier]) m'a profondément touchée - et je réalise à présent que, détail excessivement important, c'est un texte adressé directement à moi.
Pour les autres, quoiqu'ils expriment, j'ai la bizarre impression d'être un ''fantôme'', ou une sorte de présence invisible qui assiste à des conversations la concernant mais n'y pouvant prendre aucune part.
C'est étrange et je n'aime pas vraiment. Je croyais qu'en te faisant cette demande délicate, Marc, je pénétrais dans une petite pièce intime, et j'ai le sentiment de me retrouver sur une scène avec public...
Pourquoi pas ? la richesse amenée par les autres est inestimable.
Mais au fond, cela touche pour moi une partie très intime et vulnérable, très très vulnérable : ma relation à... l'absence d'Olivier. Cela touche à ce que Denis relève en s'interrogeant avec compassion, : comment ma vie s'est finalement et très vite, organisée - bien inconsciemment - autour de cette absence. Et la souffrance qui perdure de n'avoir pas pu tout regarder et tout ''boucler''.
Cette partie de moi réagit fort. Personne -et je sais au fond que ce n'était pas l'intention- personne ne peut savoir ce qu'il en est de mon cheminement et ce que je peux vivre et désirer, et je ressens une sorte d'incompréhension à la lecture de certains mails -à mon sujet, puisqu'il s'agit bien toujours de ma demande de planter un olivier- de considérations générales sur la manière dont il faut vivre la Vie - et la Mort...
Ma demande n'est pas tournée vers le passé. Ma demande est une demande de planter un arbre vivant qui aura des fleurs et des fruits, et qui m'aidera à toucher avec mes mains et mes yeux cette dimension d'une Vie qui continue, et qui continue même si elle est devenue invisible et impossible à toucher.
Ce sera pour moi toucher la confiance, la Vérité de la Vie, et la paix, l'acceptation qui en découlent. Le deuil qui se boucle.
C'est finalement pour moi l'occasion de préciser ma demande, ce que je n'avais pas eu le temps de faire, et , Marc, je ne t'ai pas demandé "que TU plantes un arbre", mais "que JE plante un arbre", que j'aurai choisi, dont j'aurai creusé le trou, cela avec TOI, si tu le veux bien. Je crois que cela ne va pas être forcément facile, mais c'est pour moi un acte de vie. Je crois que je ne t'ai pas choisi par hasard; mais j'ai bien conscience que tu peux ne pas être partant pour tout ce que je demande et je tiens absolument à ce que ton accord soit 100% venant de TOI et non sous influence. Je me rends compte que j'ai très peur de t'imposer quelque chose que tu ne choisis pas de vivre. Réfléchis mûrement, rien ne presse.
Marc, je t'embrasse, réponds-moi quand tu le sentiras.
Cathy
 
J'ai pleuré *
       Oui j'ai pleuré en lisant le message de Cathy et je ne sais pas trop pourquoi ? J'ai eu du mal à progresser dans la lecture et d'aller jusqu'au bout tellement j'étais ému. 
       Probablement ce deuil qui n'est jamais terminé et de retrouver,  en en parlant,  toutes ces émotions vieilles de bientôt dix sept ans,  les réactive à coup sûr. Je sentais comme la présence d'Olivier  au milieu de nous. 
       J'en connais "des qui" nous diront que c'est inutile et qu'il vaut mieux aller faire la vaisselle ou planter un olivier ; pourquoi pas ? Mais comme l'écrit Cathy " la richesse amenée par les autres est inestimable" même si c'est dans l'incompréhension qui peut nous faire avancer, et ce serait dommage de s'en priver si les autres impératifs nous en laisse la possibilité ! Car nous touchons, je crois, à l'essentiel de ce qui nous fait vivre, le relationnel et l'affectif. (voir "nos enfants") ... bM

 
Je suis d'accord pour que tu communiques mon message, je suis d'accord pour que tu le mettes sur le site. Je suis rentrée dans l'histoire et suis d'accord de continuer...avec TOI. 
Je t'embrasse 
Cathy
Marc, en plein boulot, je me surprends à relire cet extrait du site de l'Escoubaïre, et c'est un mot que je surprends, qui m'avait échappé... Ce mot, c'est : "obligé", tu penses que tu vas être obligé de planter un nouvel olivier dans le jardin ?
Surtout pas, surtout pas, surtout pas !
Et à la différence de ce qu' écrit une certaine Annie, je ne "réclame" pas un olivier. Je ne me sens pas du tout dans une revendication.
Bon, je vais essayer de mettre tout ça de côté et me replonger dans mon travail.
Gros baisers, Marc.
Cathy
 
Re: message de Cathy Date : 15/04/03
Bonjour Marc,
Depuis la demande que je t'ai faite, ce qui a suivi, le temps qui a passé avec ses mouvements, vagues de fond, nous approchons d'une date anniversaire, et certains de ces mouvements s'accélèrent ou s'amplifient...
Mon esprit a changé et je me retrouve avec une envie nouvelle. Je vais planter un très jeune olivier dans la colline, dans le jardin de la Vie, celui de Dieu, comme on veut. J'ai compris ce à quoi je m'accrochais en Olivier, et cela n'a à présent plus de sens, je le lâche. Je lâche aussi la demande que je t'avais faite; elle n'a plus de sens non plus. Les chemins continuent entre Terre et Ciel. Impermanence. Eternité.
Marc, continue de t'occuper si bellement du Jardin. Je t'embrasse fort et te souhaite ce qui est essentiel pour toi.
Cathy


Beaucoup de satisfaction à te lire Cathy !
Te remercie de me faire part de tes mouvements profonds.
Je te souhaite vraiment tout de bon !

Cathy le 25 avril 2003 (cliquez)