![]() |
Dimanche 1 septembre C’est aujourd’hui le grand jour de mon entrée à l’école d’infirmières. Jean-Guy est venu me reconduire. Je craignais beaucoup ce
départ et pourtant c’est avec joie que je me suis installée
dans ma chambre. Je me sens courageuse au début de cette nouvelle
année. Je veux faire mon cours et même si plusieurs disent
que je ne terminerai pas, pour ma part, j’ai bien l’intention de profiter
pleinement de cette nouvelle opportunité qui s’offre à moi
et de terminer et avec de bonnes notes.
Lundi 2 septembre Je les ai toutes vues arriver
les unes après les autres et je les ai toutes trouvées sympathiques
ces compagnes avec qui je cheminerai durant trois ans. Ce soir les doyennes
nous ont fêté. Elles semblent tellement heureuses de leur
profession ! Que serai-je dans trois ans ? C’est la question qui trottait
dans mon imagination ce soir. Je me suis couchée dans l’étroit
petit lit qui doit être le mien pendant trois ans et j’ai bien dormi
malgré tant d’émotions. Aidez-moi Seigneur à lutter
contre le torrent !
Mon entrée solennelle en classe Mardi 3 septembre Mon entrée solennelle en classe. Mère Andrée du Sauveur nous a parlé longtemps de la vie d’infirmière. Je suis à me demander
comment je suis rendue ici moi qui aimais l’enseignement . Cette voie a
été comme un appel pour moi. Lors de mon hospitalisation,
je me suis sentie attirée par la souffrance physique et morale des
malades et j’ai pris ma décision très vite de venir faire
mon cours. Ce fut un oui difficile à dire , un oui cruel et qui
en même temps m’ouvrait de larges horizons. Un oui qui une fois prononcé
m’empêchait de reculer. Je crois qu’il faut parfois se dépasser
et aller plus loin que là où l’on est. C'est ce que je fais
en me retrouvant au milieu de compagnes de 2 ou 3 ans plus jeunes que moi.
Déjà je me sens vieille auprès des autres qui sortent
de deuxième année. Il y aura sûrement des soubresauts
mais qu’importe m’y voilà ! Et il me faudra lutter . Je veux m’épanouir
dans cette vie qui prend de nouvelles proportions pour moi à côté
de ma petite vie d’éducatrice avec les petits et mes parents le
soir. Quelle sécurité je laisse ! Je veux aimer cela ! car
je n’aimerais pas qu’on me juge d’enfant indécise. Je cherche le
bonheur, ma vie est une quête continuelle de ce bonheur qu’on retrouve
jour après jour. Le bonheur…est-ce un mot qui n’existe que dans
le dictionnaire et pas dans la vie ? Je ne le dirais pas catégoriquement
car je suis une fille heureuse ; j’ai de la joie en moi mais quand je parle
du bonheur c’est un peu différent il me semble. Le bonheur est un
état plus continuel que ma vie heureuse, c’est d’autre chose de
plus que je cherche. Je veux semer le bonheur à mes malades pour
l’avoir moi-même. Oh bonheur donne toi à nous ! Saisis toi
de nous et garde nous dans le sens intime de ton nom !
Vendredi 6 septembre Les semaines passent vite.
Je suis contente de voir la fin de celle-ci. Il fait un temps délicieux.
Je suis au salon des étudiantes et d’où je suis, je vois
très bien la ville et le grand lac bleu. Toute la nature est merveilleuse
en ce Septembre. Je voudrais sortir, courir le long du lac parmi les arbres
énormes. Mon âme veut respirer l’air du dehors, elle étouffe
au dedans. J’ai passé mon été dehors en pleine nature
et j’ai été heureuse. Oui mon été fut bel.
Mais il est fini et je suis retombée dans le milieu étudiant.
Je trouve cela difficile de me remettre aux études après
avoir connu l’indépendance de ma vie d’éducatrice. Oh adieu
pensées qui viennent assombrir ma joie. Il fait trop beau ce soir
! J’irai dans le par cet comme les tous petits je me balancerai en regardant
devant moi le lac si bleu. Je chanterai des poèmes en mon âme
et je rendrai gloire à Dieu. Et comme une vagabonde j’irai selon
mon gré. Je parcourrai le parc jusqu’au bout par l’étroit
sentier qui fait penser à la route du ciel, tellement il est tortueux.
Combien de chemins tortueux sur cette terre avant de trouver le bonheur
? Oh que ce mot revient souvent dans mes conversations comme dans mes pensées
! Je chemine toujours vers le bonheur. Serait ce l’amour ou l’indépendance
?
Lundi 9 septembre Nous commençons un
cours d’anatomie avec garde Lorrain. Elle semble très gentille et
je crois que j’aimerai cette matière : l’étude du corps humain.
J’ai été très attentive à ce cours. Je trouve
le groupe un peu frou frou, je me sens si sérieuse auprès
des autres. J’ai parfois envie de les ramener à l’ordre. Plusieurs
parlent en même temps qu’elle et cette Gisèle Lorrain semble
vraiment très gênée pour donner des cours ; elle a
très peu d’autorité. Elle me fait pitié ! Elle rougit
dès qu’on lui pose une question.
Mercredi 11 septembre Je m’entends très bien avec Irène Lavoie , la fille qui est avec moi dans la chambre ,elle n’a que 17 ans, elle me parle sans cesse de Jacques son amoureux. C’est une fille qui semble tellement perfectionniste dans tout et me questionne sur
beaucoup de sujets. J'imagine qu'elle me prend pour sa grande sœur mais
moi j’aime bien lui répondre et je crois que nous serons très
amies toutes les deux.
Vendredi 13 septembre Des cours de chimie et physique ! Ca je déteste, c’est simple et je ne suis pas la seule, on se demande pourquoi on a besoin de ça comme infirmière ? Si on pose cette question, on nous répond : "Vous verrez plus tard que vous en aviez besoin." Tu parles d’une réponse ! Je vais à Macamic
raconter ma vie à mes parents qui ont sans doute hâte de savoir.
Réjane vient aussi , elle est dans sa deuxième année,
et aime bien son cours. Nous sommes tellement contentes d’arriver chez
nous . Tout le monde a l’air content de nous voir surtout maman bien entendu
. Elle veut tout savoir , on jase beaucoup avec elle. On parle évidemment
de Normand qui n’a jamais donné signe de vie . Man pense comme moi
qu’il sort avec une autre fille et qu’il est gêné de me le
dire . Man me dit qu’à 27 ans il ne pouvait se permettre de perdre
encore trois années de sa vie et que le mieux pour moi est de l’oublier.
Je lui dit en badinant que c’est vraiment plus facile que je pensais ;
entre Normand et mon cours j’aime mieux mon cours.
Samedi 28 septembre " Si tu veux posséder l’intelligence d’un ange, demande au ciel d’avoir le cœur d’un ange ! Quand le cœur est pur comme du cristal, les yeux deviennent plus transparents. Rien n ‘éclaircit autant l’intelligence que le parfum des lys " Gar. Max s.j. L’éducation entre toutes matières doit commencer par celle des idées, une fois les idées modifiées, les actes sont facilement corrigés et par les actes, les sentiments et la force de l’inconscient. |