Juillet 1963
 
    

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Juillet 1963 * Petite âme blanche *
Dialogue avec Normand *
Déclaration d'amour *
Vers Beaucanton *
Mariage de Yolande *
Les lunettes *
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Petite âme blanche

Lundi 1er juillet

La violente orage électrique d’hier soir a coupé l’électricité et nous avons du passer la journée à fouetter la crème pour en faire du beurre. Finalement nous avons tellement fouetté qu’elle ressemble plus à de la pate à gâteau qu’a du beurre ; nous n’avons pu la mouler et avons du simplement la mettre dans des chaudières de 20 livres dans le congélateur.

Après ce fouettage nous sommes partis tous les quatre en auto, encore un orage électrique ! Jean-Guy a déjà été traumatisé et n’aime pas du tous les orages. Louise et moi le taquinons car selon lui dans l’auto ce n’est pas dangereux, mais le temps de l’orage a passé durant notre ballade. Au retour

Mado Lévesque m’a appelé pour me dire que c’était bien Denise Gosselin, la toute petite sœur de Normand qui était décédé. Il semble qu’elle se soit fait tuer hier durant le cyclone ; elle traversait la rue et a été emportée par un coup de vent et s'est fait frapper par une auto. Elle est morte au centre hospitalier durant la nuit. Mourir à 12 ans ! Quand je suis allée chez Normand à Noël, elle sortait de l’hôpital, opérée pour amygdales et elle m’avait semblé très fragile. Elle avait l’air d’une toute petite chose dans la maison, ne disant pas un mot et ne mangeant pas. Aujourd’hui à 12 ans elle vient d’entrer dans la céleste patrie ou petite vierge, elle suivra le divin Maître. Qu’elle repose en paix petite âme blanche ?
 
 

Mardi 2 juillet

J’appelle ce matin au salon funéraire pour offrir mes condoléances à Normand, on me dit qu’il n’y est pas. Ce midi à l’heure du dîner, il m’appelle et demande à me voir cet après-midi. Oh ! Dieu Vous m’aimez et Vous m’avez entendue. Heureuse je suis ! car après un silence absolu de quatre mois il revient, et je cesserai de me tourmenter. J’aurais peut-être du moins je l’éspérais des réponses à mes questions le concernant. Mais lui pourquoi revenait-il ? Était-ce une simple visite amicale ou voulait-il me dire qu’il ne m’avait pas oubliée ? Je ne savais mais moi en m’habillant, j’avais le sentiment qu’il ne m’avait jamais oubliée et que pour cela il revenait et j’étais heureuse.

Et voici qu’il est arrivé Normand, grand et plus pale que d’habitude. Je remarquai sa grande tristesse en lui serrant la main. Mais dès que nous fumes dans le salon, son visage s’illumina et il me prit le menton en disant : comme je suis content de te voir ainsi, tu as engraissé et comme tu es bronzée ! Cela te va vraiment bien. Tu sembles resplendissante de santé ainsi. J’étais tout de même un peu mal à l’aise de le voir là dans le salon, et heureuse. Nous causâmes de Denise et Normand me dit que son père prenait le décès de son bébé très mal, et ne pouvait se consoler.

Puis il me demanda comment s’était finie l’année scolaire et je lui dis : "Ma dernière année vient de se terminer". Il sembla déconfit en me regardant d’un air perplexe. Je lui dis alors que mes démarches étaient faites pour entrer à l’école d’infirmières. Il sourit mais ne semble pas y croire. Je ne crois pas qu’ils acceptent quelqu’un qui est déjà dans une très bonne branche répond t’il. Je n’ose 

trop lui dire que je suis déjà acceptée, demain sera toujours temps. 
 
 

Dialogue avec Normand

Mercredi 3 juillet

Je guettais l’horloge en attendant Normand, mais pourquoi ne venait-il pas ? Enfin il m’a appelé et demandé s’il pouvait venir même s’il était tard. Et il est arrivé l’air plus gai qu’hier. J'ont tout de suite abordé la question qui nous préoccupait tous les deux. 

  • Je lui ai dit : "Normand je suis heureuse que tu sois venu, même si tout est changé entre nous" et il a dit : "Carmen pour moi rien n’est changé. C’est toi qui as tout changé ; Pourquoi m’as-tu écrit cela Carmen ? J’ai eu beaucoup de chagrin, même si je n’ai rien fait voir quand je t’ai répondu". 
  • Et j’ai répliqué du même ton : "Et toi pourquoi as-tu cessé de m’écrire ? C’est ce que je ne te pardonne pas". 
  • "Oh ! Si tu savais. Je ne pouvais t’écrire, j’étais incapable. J’ai commencé plusieurs lettres que j’ai jetées. Tu étais si froide dans tes lettres, que j’ai cru que cela t’ennuyait beaucoup cette correspondance et que tu continuais simplement pour ne pas me faire de la peine. J’ai pensé que tu préférais que je cesse, ce que j’ai fait." 
  • "Mais non Normand, cela m’a chagrinée aussi que tu cesses sans un mot d’explication."
  • Et prenant mes deux mains il dit pendant que joue à la radio cette chanson "donne-moi ma chance " "Écoute cette chanson Carmen ! C’est moi qui la fait jouer pour toi. Veux-tu que nous recommencions à sortir ensemble ? "
  • "Mon cours d’infirmière Normand, qu’est-ce que tu en dis, car je suis acceptée, tu sais ?"
  • " Laisse ça Carmen. Cela va te fatiguer ce cours, et c’est beaucoup trop long trois ans."
  • " Mais non je ne laisserai pas mon cours certain, car j’ai décidé de le faire et je le ferai. Nous pouvons continuer à nous voir mais pour ma part cela ne peut être trop sérieux, car je vais prioriser mes études".
  • Et la chanson continue à la radio…on ne peut pas se séparer comme ça. Normand se levant dit : "Dommage il faut encore partir, tu auras de mes nouvelles demain. "
Jeudi 4 juillet

Journée assez sombre. Jocelyne et moi avons fait le lavage de bonne heure et à 2 heures tout était fini, lavage et repassage. Puis vers 6 heures il a fait encore un gros orage électrique. Après souper les trois autres vont scier du bois et je reste à laver la vaisselle. Normand qui devait m’appeler au début de l’après-midi ne l'a pas encore fait, quand le téléphone sonne à 7hres je cours mais c’est Paulo qui me demande de garder Serge pendant quelques jours. Je retourne lire assez déçue de Normand, et à 8 heures n’attendant plus rien voilà qu’il arrive ; il semble très fatigué, mais il rit de me voir avec mes frisettes que je n’avais pas enlevées. Nous sortons nous balancer causant de toutes sortes de sujets, il me dit que la semaine a été éprouvante et mouvementée. Il passera quelques jours chez ses parents et ne retournera que dimanche à Laval.
 
 

Déclaration d'amour

Dimanche 7 juillet

C’est un dimanche avec de la musique d’Hawaï, douce et vibrante d’amour, des cloches qui sonnent, de la poésie tout autour. Amour ! Joie ! Tristesse ! Tout est passé entre Normand et moi. Il est venu très tôt me dire qu’il m’aimait et très longtemps nous avons parlé d’amour. L’idée que j’aille faire mon cours le fait beaucoup réfléchir et lui fait de la peine. 

  • "Peut-on avoir de la peine parce que quelqu’un choisit d ‘avancer dans la vie ?" je lui ai dit.
  • "Oui répond il si c’est une personne qu’on risque de perdre à cause du temps trop long avant qu’elle ne soit libre et parce aussi que tu peux rencontrer d’autres gens et ne plus penser à moi". 
Moi je lui répète que je fais mon cours quoi qui risque d’arriver, je ne peux renoncer à ce désir pour lui. Il s’incline tristement. Je constate une fois de plus sa tendance nostalgique qui m’agace malgré l’amour que j’éprouve pour lui aujourd’hui. Il devait partir à midi et finalement il décide de dîner à la maison.

L’après-midi au salon Normand me déclara tout son amour pour moi ! dans des mots qui m’incitèrent à lui dire aussi que je l’aimais, mais avec une certaine retenue lui disant je crois que je t’aime depuis que tu es revenu. Je pensai aussi intérieurement que la musique si douce de ce 

moment précis y était pour quelque chose dans mon sentiment actuel. <<Sweetheart of all my dreams " …le cœur le plus doux de tous mes rêves... était la musique. La musique même que dans mon cœur j’avais désirée pour mon premier aveu jouait, alors je me devais d’avouer. Normand me caressa longtemps le visage, les cheveux, m’embrassa murmura des mots doux. Il ne cessait de répéter. Oh ! ma petite Carmen je tremble de te tenir dans mes bras, et j’ai si peur de te perdre. Je lui dis que si l’on s’aimait vraiment tout irait bien, il me dit que même si sa déclaration avait été longue à venir, il m’aimait depuis très longtemps et pensait sans cesse à moi. Moi je lui dis que je croyais l’aimer depuis qu’il était revenu, que j’avais sorti avec d’autres mais que je m’ennuyais aussi souvent de lui. Le moment de partir arriva. Il me serra fort, m’embrassa et s’en alla. Je le regardai partir ce grand garçon qui était arrivé mardi avec tellement de joie de me retrouver et moi de même. Il partait pour un long voyage et pensa à tous les accidents de la route j’eu peur pour lui, qu’il ne revienne pas. Je m’enfermai dans le salon pour écouter la musique, pensai et prier la Vierge pour nous deux. Après souper il m’appela pour me redire qu’il m’aimait. Je pensai à lui qui filait sur une longue route sombre en pensant à moi.
 
 

Vers Beaucanton

Samedi 13 juillet

Il est revenu. J’ai été surprise d’entendre sa voix au téléphone ce matin, et en après-midi il vient me voir. Je crois que son but est de me faire changer d’idée pour mon cours, il espérait que j’ai changé d’idée au cours de la semaine. Je lui ai dit que mon idée était irrévocable. Il m'a dit :

"et comme je te connais, je sais que tu aimeras cela, que tu seras une véritable infirmière. Je sais aussi que tu voudras travailler à la fin de ton cours, et que je devrai encore attendre ou que tu ne voudras plus te marier." 

"Non Normand, même si je dois me marier le lendemain de ma graduation, je sais que je ferai ce cours. Je ne me sens pas prête du tout à me marier, et je crois que tu attends trop de moi, mon amour est peut-être insuffisant pour le projet que tu espères. Le cours nous donnera le temps de réfléchir

Tous les deux. Si nous nous aimons vraiment nous nous marierons et je travaillerai dans un hôpital en attendant les bébés…"

Nous en avons causé longtemps. Puis il me propose d’aller chercher son frère Paul pour que nous allions à Beaucanton chez une de ses sœurs qui est malade et qu’ils désirent voir. Nous partons tous les quatre car Jocelyne vient avec nous. Paul conduit et Normand et moi sommes assis à l’arrière. Je m’informe du millage en partant et il me dit 22 milles. Nous causons peu, alors je lui demande de me chanter quelque chose. Il commence sur un air connu des mots qu’il invente à mesure : " les doux instants que je passe avec toi durent toujours trop peu de temps. Et quand donc n’aurai-je plus à chanter cette chanson me dit-il très bas, et moi de lui répondre bêtement. Quand Dieu le voudra  s’Il le veut ? 

Mais voici que nous roulons depuis i½heure et nous semblons encore loin de Beaucanton. Je dis donc à Norm : nous avons bien fait 50 milles et on ne voit pas Beaucanton souvent. Lui qui m’a semblé nerveux depuis le début du voyage parce que Paul n'a pas suivi la route ordinaire, je pense, me dit sèchement. 

"Je t’ai dit que nous allions à Beaucanton, je n’aime pas les gens qui n’ont pas confiance en moi."

Cette parole me va droit au cœur et ça paraît sans doute dans ma figure parce qu’il s’excuse tout de suite de son impatience, demande pardon. Nous arrivons finalement chez sa sœur qui est absente. Nous revenons tout de suite et Norm conduit en pressant ma main tout le long. A l’arrivée à la maison, ce sont encore des excuses à n’en plus finir, et il recommence de nouveau à parler du cours d’infirmière mais avec sa tête sur mon épaule en sanglotant. Ah ! que je trouve pénible ces discussions qui reviennent sans cesse ou il me culpabilise presque de lui faire de la peine, alors que je ne veux que faire ma vie. Il me fait penser à un enfant malheureux, et je me dis que ce n’est pas d’un homme si fragile dont j’ai besoin, tout en le consolant et en lui répétant ce que je lui dis depuis des semaines, toujours la même chose, et je lui parle très longtemps, il m’écoute les yeux fermés. Il les ouvre enfin me serre dans ses bras en disant qu’il a besoin de moi, qu’il n’est vraiment heureux qu’avec moi, lui si pessimiste. Moi qui voudrais qu’il soit heureux, bien dans sa peau et optimiste. Je le serai si tu continues à m ‘aider. Oh ! quelle lourde charge vient de s’abattre sur mes épaules. Le pourrai-je ? 
 
 

Dimanche 14 juillet

Normand n’est venu que ce soir car il a passé la journée une fois de plus au salon funéraire ; sa grand-mère. Dès qu’il est arrivé nous avons dit tous les deux : Te souviens-tu d’il y a un an à cette date ? Oui nous nous souvenions du mariage d’Huguette et de Bertrand ou nous nous étions connues. Après quelques minutes à me regarder, a admirer ma robe, il se souvenait que je la portais à ce mariage. Nous sommes allés marcher longtemps, et au retour j’ai été refroidie par son discours sur mon cours qu’il ne comprend pas que je tienne à faire. Après son départ je me suis dit que notre relation ne pourrait continuer longtemps.
 
 

Mariage de Yolande

Samedi 20 juillet

Jour magnifique du mariage de mon amie Yolande avec qui j’enseigne depuis 3 ans, avec Roger Pinard. Qui aurait dit que Yolande se marierait si vite ? Personne. C’est une fille pour qui on n'envisageait pas le mariage. Moi je l’aurais vue missionnaire laïque. Et pourtant je crois qu’elle fera une très bonne mère. Pourquoi l’avions-nous exclue de cette vocation ? Je ne sais au juste, peut-être qu’elle ne nous donne pas l’impression d’être passionnée. Je leur souhaite le bonheur !
 
 

Les lunettes

Dimanche 28 juillet

Nous sommes montés à Trécesson chez Jean-Bertrand. En route nous avons rencontré Rolland et Reine qui eux allaient à North Bay. Puis Man est restée chez Janine et moi je suis allée chez M. Martineau porter mes lunettes pour faire changer les verres. Il m’a fait visiter son grand jardin, il est si charmant cet homme. Dommage qu’il ait 50ans, c’est un genre comme lui que je voudrais, charmant, conversation facile, beau en plus et si souriant, je pense à Normand toujours nostalgique. 

Je passe toute la semaine avec ma grande sœur et marraine. Petite elle me servait de mère, Janine je l’aimerai toujours. Et lundi nous nous sommes levées tard et jasé de tous les sujets qui nous tiennent à cœur ; la famille, le bonheur, l’amour. Je me suis demandé si elle était vraiment heureuse.

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