Août 1963



 
 
 

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Projet de rupture

Jeudi 15 août

Je reçois aujourd’hui une lettre de Normand que je trouve peu compréhensible. Voici ce qu’il me dit. " Je laisse les détails de coté pour ne dire que l’essentiel. Voici, enfin je me décide à écrire, il s’est passé tellement de choses depuis quelques temps, et comme tu me connais, tu sais que je me tracasse souvent inutilement. Ce n’est pas une très belle façon de commencer une lettre mais enfin, quand il y a trop de choses qui arrivent en même temps. Tu vas peut-être dire que je suis pessimiste ce soir et c’est un peu vrai. Je voudrais pourtant être autrement, et durant les quelques semaines qui viennent de passer, il me semble que j’ai fait des efforts pour me corriger, mais j’ai bon espoir, et si je continue à me confier plus facilement tout va aller mieux. Et toi Carmen comment vas-tu ? Il y a beaucoup de choses qui me préoccupent à notre sujet. La fin de semaine du 24 et 25 août, il faut éclaircir cela. Carmen j’ai si hâte de te revoir. Prie pour moi, j’ai besoin de ton aide, surtout ce soir je me sens si seul. Ne te tracasse pas avec ma lettre, ce n’est rien de bien grave.

Réponds-moi vite, même si je ne donne pas l’exemple souvent, et excuse-moi du retard, tu comprendras."

Puis il dit qu’il a changé d’auto, il parle un peu de son travail, et quelques autres détails. Lettre que je trouve à bâtons rompus, avec un style assez vague et dépressif. Suite à cette lettre je me dis que la rupture est inévitable, je ne veux pas entrer sérieusement avec un homme dépressif et qui s’appuiera sur moi, aidez-moi mon Dieu à me libérer sans que cela soit trop pénible. Lui écrire une lettre de rupture je n’ose pas, j’attendrai donc à demain pour décider si je réponds à cette lettre, et la rupture aura lieu quand je le verrai.
 
 

Beauté du crépuscule

Dimanche 18 août

Dans ce soir du dimanche je suis sortie dehors vers 10heures pour admirer la descente de la nuit et la brise du soir. Nous sommes en août et déjà nous voyons le crépuscule du soir descendre plus tôt sur le monde et l’on sent l’air frais de septembre flotter autour de nous. Je voyais les étoiles s’accrocher une à une comme si des milliers de petits miroirs se penchaient sur le monde. Grande est l’émotion qui nous envahit lorsque seule, on sent le ciel si bleu au-dessus de nous et le monde si vaste tout autour. Je suis émue parce que je songe à la grandeur de Dieu Maître de cette immensité. Je me réfugie dans cette beauté et je remplis mon âme de tout ce que je ne peux définir en mots. C’est à ces instants précieux que l’on songe à l’amour, à celui ou ceux que l’on aime particulièrement. Et comme on y pense intensément à cet être cher. L’on souhaite que la télépathie soit forte à tel point que ce que nous voyons soit en sa pensée, que la joie qui nous étreint l’étreigne aussi et que la paix du soir l’entoure et lui fasse goûter profondément la grandeur de Dieu et de son œuvre immense et belle. Moments merveilleux du soir modelez mon âme, aplanissez le chemin, afin que demain le travail et les soucis me semblent moins lourds, et les contrariétés moins amères. Mon âme tu seras plus forte et plus suave à la voix de Dieu demain, parce que tu as goûté

Des instants merveilleux ce soir. Pureté d’un soir ! Joie immense de l’âme ! Beauté sans fin ! Grâce soit faite à Dieu !
 
 

Au jardin

Mercredi 21 août

Ce matin je me sentais un peu cafardeuse et je gardai cette impression jusqu'à ce que je me rende utile à la maison ce qui me rendit mon naturel gai. Quelle philosophie de la vie cette leçon me dicte ? Voici que je ne savais pas du tout quoi faire de mes mains, et que je cherchais ci et les quelques lectures fabuleuses pour me tirer de mon ennui, quand j’entends ma mère dire qu’il lui faudrait aller au jardin récolter les fèves et les pois. Donc je me propose par principe ce qui ne me dit pas du tout au fond.

Voulez-vous que j’y aille ? Maman qui ne veut jamais nous infliger le moindre travail qui ne nous plaît pas me dit non sachant que je demande ça par politesse. Mais voici que j’insiste, m’habille et me voilà au jardin. 

Je me retrouve dans un grand jardin de patates ou deux rangs ont été aménagés pour les légumes et tout près se trouve un immense carré de blé déjà haut et doré. Quelle beauté que ce champs dans lequel je me trouve ! J’admire des yeux et de l’âme le paysage qui m’entoure, la forêt mystérieuse tout près de moi et je parcours ce jardin dans lequel je suis installée par magie, moi qui y vient si rarement ! Je suis heureuse, ma journée se trouve comblée par ces merveilleux instants ou seule dans la nature avec son Créateur je casse des fèves en croquant une bonne carotte et je chante, je chante la joie de ma jeunesse, je chante ma campagne, les fleurs, l’amour, la vie ! Combien de temps suis-je restée dans ce jardin à admirer, penser, chanter et travailler ? J’y suis restée deux heures je crois. Eh bien ! croyez que c’est avec regret et en regardant en arrière que je l’ai quitté pour regagner la maison, parce que dans le jardin je m’étais sentie soudain une fille entière libre et heureuse et que tout mon cafard était parti pour laisser place à la joie si simple ? Et J’ai compris que l’ennui et le cafard peuvent être remplacés par un travail qui nous sort totalement du milieu ou nous sommes, et que se rendre utile à quelqu’un nous donne le sentiment d’être quelqu’un de participer à la tâche, et nous rend de meilleure humeur. Pourquoi ne pas toujours agir ainsi petite Carmen lorsque tu te sentiras cafardeuse ? C’est un sage conseil que te donne ton ami Journal…
 
 

Les porcs

Jeudi 22 août

Qu’est-ce que j’ai fait aujourd’hui ? C’est à deviner ? Papa et Jean-Guy ont tué trois porcs et c’est moi qui les ai assistés dans cette difficile opération. Bien qu’ils m’ont assez taquinée, je m’en suis assez bien tirée pour guetter le sang à la saignée et les aider à "plumer" les porcs. 

J’étais contente car c’est maman qui devait y aller, et elle était ravie de ma décision lorsque j’ai annoncé que c’était moi qui irais. Seigneur aidez-moi à être porteuse de bonheur toujours, à sourire et à aimer tout et Vous avant tout !

Être triste avec Normand ?

Vendredi 23 août

Normand viendra demain. Que lui dirai-je ? Aurai-je le courage nécessaire de lui dire que je ne peux continuer avec lui ? Sans lui dire qu’il est trop pessimiste, car c’est la véritable raison, aucune gaieté jamais, comment serait-il dans la vie de couple, je crois que ce serait une grave erreur de continuer. Serait-il plus gai avec une femme gaie ? C'est sa nature je crois, et moi je craindrais de le suivre là dedans, devant toujours travailler pour ma gaieté, car ça ne rit pas beaucoup à la maison et je dois le développer moi-même cet aspect car je crois sincèrement au bonheur, mais vivre avec quelqu’un de triste ça n’aide pas !

La nuit porte conseil dit-on. Alors dormons et je verrai demain.
 
 

Rendez vous manqué

Samedi 24 août

Normand m'a téléphoné vers 7 heures pour me demander de venir. Il semblait de bien bel humeur. Comme je m’apprêtais à aller en ville avec Paulo je lui ai demandé de venir me rejoindre au restaurant Raymond ? Tout à fait d’accord. et voici que j’attends une heure, 2 heures…avec un livre dans les mains ouvert à une page que je ne lis pas Je songeais avec appréhension à ce que j’allais lui dire, et aux explications qu’il me donnerait pour la longue absence de ses lettres. Mais j’ai attendu inutilement car il n’est pas venu et dans ma tête trottinait cette chanson : <<le soleil a rendez-vous avec la lune, mais la lune ne vient pas " et dans mon cœur s’entrechoquaient des sentiments divers. Je fus d’abord ennuyée d’attendre si longtemps, puis vient l’Inquiétude. Viendra t il ? Mais oui j’en suis sûre me disais-je. Mais à mesure que le temps passait le désappointement me gagnait. Puis l’humilité quand enfin j’appelai chez moi pour demander s’il n’y était pas allé. Non personne ne l’avait vu. Je me sentais profondément fâchée et troublée. Je décidai donc d’appeler chez lui et de lui dire ma façon de penser. Je signalai le 5566 le cœur battant. Attente ! Angoisse quand enfin je reconnus la voix de sa mère à l’autre bout du fil qui me dit qu’il était parti pour Macamic. Je raccrochai plus perturbée que jamais. Une foule de questions et de réponses se mêlaient dans ma tête.

Pourquoi ne s’était-il pas rendu au rendez-vous ? Que faisait-il en ce moment ? Je me doutais que ou qu’il soit il devait être aussi malheureux que moi, et que c’était peut-être la peur de m’avouer quelque chose qui l'avait retenu de se présenter. Je n’en restai pas moins fâchée, me disant que ça me faisait une raison supplémentaire pour le congédier. En entrant à la maison je fis mine de rien, et je pris mon plus bel air. Tout de même maman et Janine sachant qu’il n’était pas venu sympathisait avec moi et se perdirent à leur tour en conjonctures de toutes sortes à son égard. A mesure que nous causions ma colère baissait et faisait place à une réelle inquiétude. Pourquoi ? Pourquoi ? Normand réponds-moi ? je dormis très peu !
 
 

dépit

Dimanche 25 août 

Je me suis levée sans trop avoir dormi, ma nuit étant mêlée de rêves idiots et d’insomnies. Ma tête est bouleversée ce matin et j’ai du chagrin. Tu parles d’une façon de laisser tomber quelqu’un. J’enrage intérieurement mais j’ai bien prié à la messe, récitant des formules et demandant la paix. Revenue à la maison j’eus vraiment envie de pleurer, de m’être fait poser ce lapin alors qu’il se lamente qu’il m‘aime et moi qui voulais le laisser. C’est trop bête cette situation ! Je suis sure maintenant comme je le connais qu’il n’osera plus venir ici s’expliquer, gêné comme il est, il doit être mort de honte d’avoir agi aussi stupidement.

Oui c’est vraiment stupide sa façon d’agir. C’est le cahot dans mon esprit. Que signifie cette aventure ? J’ai droit de savoir et je ne sais rien. Je me doute seulement qu’il y a une femme les dessous. Lui qui avait hâte de se marier, il a perdu tout espoir après m’avoir harcelée pour que j’abandonne mon cours, et que j’ai refusé. Il a sans doute rencontré quelqu’un. Tant mieux pour lui, mais qu’il ait au moins le courage de me le dire. Ca en sera que plus facile pour moi !
 
 

Mardi le 27 août 

Je n’ai eu aucune nouvelle de Normand. Quel lâche d’agir ainsi ? Qu'aurai-je fait avec un homme comme toi dans ma vie ? 

Me voilà libérée. je dois maintenant me préparer pour faire mes valises. J’entre la semaine prochaine pour mon cours d’infirmière. Je crois que je vais m’investir à plein dans ce cours et que j’oublierai assez vite Normand qui n'a pas eu le courage de bien finaliser notre relation.

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