Les thèmes abordés * Le travail du corps * La méthode Danis Bois, le mouvement, outil de présence * L’humour et la tendresse, ingrédients indispensables * La mise en scène * |
Résumé
de la pièce
Christian est comédien, passionné de Shakespeare.
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Il répète toute la journée chez lui, seul, avec un vieux rideau de théâtre.
C’est sa femme, Marie, qui gagne l’argent du ménage en travaillant au supermarché.
Comme tous les soirs, elle rentre, exténuée.
Cette fois-ci, elle pose un ultimatum et somme son mari de choisir entre le rideau et elle.
Il choisit le rideau. C'est la rupture.
Christian appelle à son secours l’étoffe de velours qui prend alors vie et l’entraîne dans un rêve :
Le lit devient radeau, le rideau devient voile et les protagonistes... clowns !
L’histoire du couple va se rejouer, du bonheur de la rencontre à la tendresse des ébats amoureux, puis de la jalousie au mépris, du mépris à la haine.
Christian comprend alors les aberrations, les conditionnements de leur relation.
Quand le rêve devient cauchemar, le rideau se dévoile sous l’aspect d’un vieux personnage masqué doué de raison. Démiurge du théâtre, maître de l’illusion, avec délicatesse, il ôte le nez de clown du comédien.
Christian s’éveille alors, retourne à sa réalité quotidienne, transformé.
De l’homme subissant sa vie, il devient homme conscient.
Il retrouve Marie, qui, elle aussi, comme par magie, a réfléchi...
" le Rideau " aborde deux grands thèmes : la dégradation d’un couple et la magie du monde théâtral.
Ainsi dans cette histoire, Marie ne supporte plus de travailler 8 heures par jour pour entretenir son couple. Elle met la faute sur son mari, qui, lui, n’a aucun complexe à faire, toute la journée, ce qui le passionne sans se soucier des retombées financières.
De son côté, Chrisitan se sent totalement étouffé par sa femme, qui ne lui laisse plus d’espace pour s’entraîner. Elle ne le comprend plus, ne le soutient plus. A cause d’elle, il ne peut arriver à être le comédien dont il rêve.
C’est la magie du théâtre.
Pour Marie, c’est le concurrent, l’objet maudit qui lui prend son mari, qui la nargue en envahissant son espace de vie.
Dans leurs disputes, les deux partenaires le placent entre eux, comme une frontière infranchissable entre leurs deux mondes. Ils le tirent, se l’arrachent, comme s’ils voulaient détruire cette barrière, ce fossé qui se creuse entre eux.
Cherchant désespérément son identité, l’affirmation de sa quête et de son amour du théâtre, Christian ne peut entendre les reproches de sa femme et se campe dans sa position : il préférera laisser Marie partir plutôt que de lâcher, pour un temps, sa passion.
Ne trouvant pas sa place près de son mari, Marie ne peut accepter son attirance pour la scène.
Le théâtre, lieu magique et merveilleux de l’expression
devient objet de zizanie, cause de la rupture entre les deux partenaires.
Dans la deuxième partie de la pièce, le rideau, devenu vivant, prend les choses en main. Il va faire vivre au couple l’expérience théâtrale dans la forme clownesque. Ce sont les corps tout d’abord qui se mettent à s’exprimer. La gestuelle se développe, s’enrichit, dévoilant toutes les émotions sous-jacentes. Libéré des contraintes, des tabous, des conventions, le couple-acteur peut alors aller jusqu’au bout de ses intentions.
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Tour à tour victime ou bourreau, prenant le pouvoir ou manipulé, extrêmement puissant ou immensément faible, géant ou minuscule, envahissant l’espace ou disparaissant dans le décor, tous deux se découvrent sous de nouveaux visages.
Ils prennent alors conscience, tout en en jouant, des rôles qu’ils se donnent l’un vis-à-vis de l’autre.
Finalement, ce jeu devenant insupportable, Christian demande grâce et le rideau le renvoie dans le quotidien, apaisé et serein. L’expérience du théâtre a été vécue. Il n’a plus à se battre pour la faire. Il a pris conscience de ce dont il est capable, de qui il est. Il peut maintenant faire de la place à Marie qu’il accueille en enlevant son rideau.
Elle, de son côté, a vécue à sa manière l’expérience et accepte la passion de Christian sans se sentir exclue. Elle lui demande de laisser le rideau.
La liberté qu’ils retrouvent chacun en eux-mêmes et qu’ils sont prêts à offrir à l’autre réveille l’amour endormi.
Le corps, support de l’expression
Depuis leur début dans le théâtre, Sylvie Bitterlin et Thierry Heynderickx ont toujours été passionnés par le travail corporel.
Les expériences faites auprès de grands enseignants du théâtre gestuel tel que Jacques Lecoq, Ludwig Flaschen, Philippe Hottier leur a fait prendre conscience de l’importance de l’engagement physique pour contacter l’imaginaire et la vérité des émotions.
" L’imaginaire, c’est le corps " disait Ariane Mnouchkine.
Le corps est donc, ici, considéré comme un outil qui donne la forme, la structure de l’expression. En échauffant et en entraînant son corps à prendre toutes les formes possibles, l’acteur découvre son éventail de langage corporel et émotionnel.
La méthode Danis Bois, le mouvement, outil de présence
La rencontre avec Danis Bois, professionnel du corps et de la santé, ouvre un nouveau champ de conscience : le travail du corps ouvre le chemin vers plus de conscience de soi ; le mouvement corporel, lorsqu’il est fait dans l’écoute, le ressenti, le relâchement, la conscience devient sensoriel et donne une présence, un équilibre, une solidité, une sensibilité peu commune mais indispensable au jeu de l’acteur.
" L’éveil sensoriel permet une meilleure reconnaissance de son corps dans sa totalité, en même temps une meilleure reconnaissance de soi dans son identité. Cette alliance retrouvée influencera positivement l’attitude comportementale : ce n’est plus avec une partie de nous-mêmes que nous agissons, mais en notre âme et conscience. " Danis Bois.
Un entraînement quotidien assidu pendant plusieurs années a permis à Sylvie Bitterlin et Thierry Heynderickx d’intégrer cette conception du mouvement et leur a donné une nouvelle dimension dans leur jeu.
L’équipe du " Rideau " est constituée de gens sensibilisés à ce travail. Le spectacle, dans toutes ses dimensions, du jeu à la technique, a été créé, répété et joué dans le respect des lois du mouvement sensoriel.
L’humour et la tendresse, ingrédients indispensables
En allant dans la profondeur, dans les recoins de l’être, dans la source des intentions, on rencontre le rire. L’humour est le regard que l’on pose avec tendresse sur les failles de nos modes de réaction.
" Le bon Dieu a inventé le rire pour consoler l’homme d’être intelligent " a dit Marcel Pagnol. Grâce à sa conscience, l’homme se voit faire ; grâce au rire, il accepte son incohérence et peut s’en détacher.
Et puis, ne l’oublions pas, le rire, est une énergie saine, qui soigne.
Le pétillement et la puissance qui découlent du spectacle ainsi construit ne peuvent laisser indifférent le spectateur. Ce ne sont pas les " idées " véhiculées par le spectacle qui percutent en premier lieu le public, mais plutôt la sensation d’être touché directement dans sa matière, dans ses tripes. Le spectateur est bougé en lui-même, il se sent concerné dans son corps.
Souvent, après le spectacle, les mêmes réactions fusent : " comme j’aimerais faire comme vous ", " moi aussi je veux faire ça ".
Donner envie aux spectateurs de jouer, de s’exprimer, les sentir ressourcés, pleins d’énergie, heureux et bien vivants, ... est le but du spectacle.
L’acteur est un peu comme un thérapeute de l’âme qui relance la vie dans le cœur et le corps des gens.
Pour la création du " Rideau ", Claudia Nottale, Sylvie Bitterlin et Thierry Heynderickx ont défini leurs objectifs communs :
- Mettre en scène un conte initiatique moderne :
L’histoire peut se lire à plusieurs niveaux ; le premier apparaît ludique et divertissant ; le deuxième, plus profond, dévoile la complexité des rapports humains ; le troisième, aborde une autre dimension, celle de l’homme dans sa relation à la vie, à la mort et à l’univers.
- Partir d’un objet inanimé, le rideau, pour en faire le témoin, le moteur, la clé du spectacle. Actionné par deux techniciens, il prend vie et crée une relation profonde et surprenante avec les personnages de la pièce.
- Utiliser la technique du clown pour explorer les relations d’un couple dans ses différents états émotionnels.
Dans la démarche de la compagnie, le jeu du clown est un message en soi : chacun de ses gestes, pourtant si simple, si quotidien, devient unique, précis et terriblement humain.
Il touche le spectateur au plus profond de lui-même car il révèle ses fonctionnements, ses émotions, ses croyances comme un miroir grandissant. Totalement débridé, il joue avec ses propres mécanismes de relations et d’émotions, les poussant sans complexe ni tabou dans leurs extrêmes, révélant ainsi les aberrations, les fragilités mais aussi toute la sensibilité de l’être humain.
- Privilégier le langage du corps par rapport au texte.
Dans l’élaboration des scènes du spectacle, ce ne sont pas les mots les moteurs de l’action. L’impulsion vient de la relation corporelle des personnages entre eux. Le corps parle, il a des moyens d’expression sans fin. Néammoins, il ne s’agit pas de technique de mime. Quand le corps atteints ses limites dans la relation, les mots exprimés deviennent essentiels.
Toute la création du spectacle a été réalisée à partir d’improvisations. De ces improvisations ont émergé le texte et la mise en scène.
- Travailler en collaboration avec un musicien capable d’apporter un univers sonore et musical inédit créé au fur et à mesure des répétitions.
Le musicien devient alors un partenaire de jeu au même titre que le rideau.
En tant que metteur en scène, Claudia Nottale n’essaie pas de faire correspondre les comédiens à " une idée " qu’elle imposerait. Elle aime chercher, faire grandir les comédiens dans un domaine inexploré. Elle accompagne les personnages jusqu’à la frontière où plus aucune solution n’apparaît, là où l’inattendu surprend et étonne.
Une démarche physique, corporelle.
Dans le spectacle du " Rideau ", Claudia Nottale fait jouer les corps dans des volumes différents :
volume de 4m sur 5m, espace scénique de l’appartement dans lequel les corps des comédiens s’attirent, se repoussent, se confrontent comme les pôles d’un aimant que l’on changerait de côté.
Volume réduit à l’espace d’un lit à deux places. Là, les comédiens explorent leur relation corporelle dans tous les plans de l'espace, en fonction des mouvements du lit agité par la mer ou de l’état d’amour ou de haine des personnages. Véritable chorégraphie harmonisée ou en opposition, les deux partenaires expérimentent toutes les postures et mouvements possibles, debout, allongé, en équilibre ou en déséquilibre.
L’objectif du spectacle n’est pas la beauté esthétique des formes. La beauté pourtant est là, au rendez-vous, quand les acteurs sont justes dans leurs états ainsi que dans leurs déplacements et leur rapport aux objets.
Pour créer le monde imaginaire, le choix est fait de ne pas se servir d’autres objets que de ceux présents dans la première scène.
De l’improvisation naît des détournements des objets, des nouveaux rapports à eux. Il prennent un sens différents et révellent d’innombrables possibilités.
Les sons fait par le musicien et le jeu des lumières soutiennent ces transformations.
Si le travail de mise en scène sur la forme est primordial, le travail de mise en scène sur le fond est essentiel : le fond doit s’exprimer dans la forme, et la forme doit être le passage vers la profondeur.
Le clown permet de jouer sur les deux tableaux. Il laisse vivre les émotions éxarcerbées qu’un être humain bien élevé ne doit pas exprimer. Il sert aussi de catharsis émotionnelle au spectateur.
Le Rideau, lui, dans toutes ses métamorphoses est la voie de passage à un monde fantastique et imaginaire qui est celui de la conscience. Comme on peut le vivre par moment, après certains rêves très puissants, la compréhension des événements évolue, les choses ne sont plus regardées de la même manière.
A travers ce spectacle, l’équipe du " Rideau " a voulu faire rire, faire rêver et toucher le spectateur dans son humanité profonde.