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Adorable campagne
Comme j’aime l’adorable campagne ou nous vivons encore frémissante sous son léger manteau de neige qui disparaît tous les jours. Et moi je m’émerveille en silence que le printemps soit chaque année si frais, si nouveau, si jeune et le cœur des hommes sensible à cette beauté qui se renouvelle pour nous année après année. Quel est donc le poète qui disait : J’ai peur d’avril , peur de l’émoi Qui éveille sa douceur touchante. C’était Sully Prud’homme
je crois ; il devait être vieux , malheureux, isolé, mais
pour nous jeunes " avril " doit s’unir délicieusement à notre
bonheur d’âmes jeunes, aimantes, accordées avec la volonté
divine, avec le devoir, avec la vie. Et bientôt dans le bleu du ciel
les cloches sonneront l’allégresse la joie de pâques. L’Alléluia…L’Alléluia
de mon âme.
Vendredi 12 avril Nous sommes arrivés
au jour du Vendredi Saint. Le ciel a un voile gris ; ce voile je le mets
aussi sur mon âme. On paganise tant les Fêtes sacrées.
Pour beaucoup de gens, Pâques, c’est le chocolat, les voyages ,,.
et Noël le réveillon. Et l’Amour divin ? Le pathétique
amour qui implore qu’on s’agenouille, reste seul. On bouge , on mange ,
on s’amuse et c’est tout. Pour les chrétiens convaincus c’est triste
d’y penser ,, et en même temps, un appel, a faire plus. Un appel
mystérieux de Jésus en croix à donner pour ceux qui
ne donnent pas. O Jésus crucifié, garde mon âme à
l’ombre de ta croix, afin qu’elle s’y repose, qu’elle s’y christianise
!
Pâques
Ce matin déjà la joie de la résurrection rôde. Et mon cœur se prépare à chanter le merveilleux dialogue de l’office de Pâques. Chez Jean-Bertrand sont ici,
arrivés hier et doivent repartir aujourd’hui : Janine qui reste
très jolie, bien que très amaigrie et nerveuse ; Jocelyn
qui grandit toujours, c’est un charmant bambin, blond, tendre avec des
yeux verts ravissants dans son visage blanc rosé. Jean-Bertrand
reste toujours avec son impassible visage calme.
Dimanche 14 avril Le parfum des années passées ressuscitent comme le parfum des violettes, tandis que pour ce jour de fête Les cloches chantent leurs Alléluias. Mais cette résurrection du passé, elle ne suffit point. Les cloches de Pâques disent autre chose encore. Elles parlent, elles parlent très haut, dominant cet étrange frémissement de la campagne qui se réveille, s’étire, se pare et chante par la voix des coucous, des merles et des rossignols. A moi elles parlent d’avenir et d’espérance. Ce matin je me sens les ailes plus grandes que le nid. Je rêve à l’avenir ! Le chant de Pâques large , grand , harmonieux a inspiré tant d’âmes. OH ! Heureuses cloches de Pâques !! OH! Bonheurs blancs et roses,
oh radieuse espérance !!! Alléluia !!!
Normand n'est pas venu …
Normand est venu en Abitibi en fin de semaine et ne s’est pas rendu me voir. Jusqu'à ce que je sois certaine qu’il soit venu chez lui sans me donner signe de vie, je ne pouvais pas y croire, mais on m’a affirmé l’avoir vu à Macamic en fin de semaine. Et pourquoi cela m’a t il fait de la peine ? J’y ai réfléchi toute la journée , et j’étais triste malgré tout. Me disant même que c’était pour le mieux, j’avais toujours quelque raison comme pour prouver le contraire. Et pourtant je m’attendais à cela en lui écrivant que je n’étais nullement sérieuse. Au fond c’est par scrupule que je lui ai écrit cela. Je sais qu’il m’aimait, et moi ne croyant pas vouloir l’épouser, j’ai cru sincère de lui dire la vérité. Mais je lui ai mal dit et je l’ai fait souffrir ! Et il a cessé soudainement de m’écrire sans m’avertir il y a trois semaines. Malgré cela je croyais que s’il venait chez lui à pâques c’était pour venir me voir. Quelle orgueilleuse je fais, et si je suis triste c’est que je suis blessée dans mon orgueil. Il me semble que de la part d’un autre cela m’aurait fait moins de peine que venant de Normand.. D’autant plus que je sais qu’il a du chagrin de cette rupture, il a du terriblement souffrir au cours de ce voyage. Mais il est je crois très orgueilleux lui aussi , et après une telle lettre, à quoi pouvais-je m’attendre ? Il a très bien fait même si Man me dit que c’est indélicat de sa part, moi qui le connais, je sais qu’il ne pouvait pas venir. Oh Normand l’amitié n’est elle donc jamais possible entre un homme et une femme ? Je l’aimais tellement comme
simple ami !
Dans la joie
J’ai enseigné toute
la journée dans la joie. Cette joie large, parfumée, heureuse
enfin qu’elle se communique plus facilement à mes élèves.
Et à la fin de journée tellement bien remplie par les activités
scolaires, je suis sortie me promener dans les rues ou il y a une odeur
printanière. Et je suis entrée au café. C’est un endroit
ou je viens souvent le soir à ma sortie de classe, et c’est là
que je repense à ma journée. Aujourd’hui je me suis assise
à l’endroit même ou j’étais avec Normand. Nous y étions
allés après avoir dansé et il m’avait dit en me regardant
droit dans les yeux :"Tu ressembles à une madone" ; et moi de sourire
assez tristement sans doute parce que je songeais qu’il m’estimait plus
que je ne le méritais. Et il a parlé de sa crainte du départ
et de sa hâte qu’il aurait de me revoir chaque jour davantage. Et
cet après midi en y songeant il me semble n’avoir pas été
tout à fait sincère avec lui. Pauvre Norm !. Était-ce
à cause de la danse ou de cette parole douce qu’il m’avait dite
? Je me sentais vraiment attachée à lui, il me semblait aussi
que cela me "chéchirait" de le voir partir et d’être longtemps
sans le revoir. Et ma conversation a été dans le même
sens, aussi pathétique que la sienne. Et alors il a sans doute cru
que je l’aimais réellement. Et en lisant ma lettre il a du dire
" elle n’était pas très sincère ce soir là
" Et pourtant oui, ce soir la je l’étais, c’est le lendemain que
je ne pensais plus la même chose. J’aimerais être capable de
discerner au juste les sentiments qui m’animent pour ce garçon que
parfois je pense aimer mais la plupart du temps non. Oh s’il n’y avait
pas Eddy avec ses yeux gris aussi, ce serait je crois plus facile pour
moi ! mais Eddy me tente tellement même si je deviens si gênée
devant lui que je perds tous mes moyens. Et lui maintenant ? Il devient
rouge et se sauve de moi. .Pourquoi devinerait-il qu’il m’intéresse
ou que moi je puis l’intéresser ? Man nous a tellement appris à
être discrète avec les hommes que je ne le saurai peut-être
jamais. Ah ! et puis si je veux faire mon cours de trois ans, oublions
les amours !.
Appel des bois
" Coucou ,,coucou " Oh! Cet appel des bois! Je n’ai pu résister à l’envie d’aller me promener seule, c’est tout de même bon de retrouver parfois la solitude et de n’être plus qu’une âme. L’air bleu m’enveloppe d’une fraîcheur qui sent bon ! Toute la vie végétative monte vers moi et parle : "Bonjour Carmen" C’est le printemps . Avez-vous mi votre âme de printemps ? et je réponds au printemps… Oui elle a connu des brumes ,,des gels ,,des tempêtes, bien sûr comme vous…Mais elle garde sa sève. Jardins, jamais vous ne vieillissez, et mon âme non plus ! Elle veut fleurir, elle va fleurir…Quel beau parfum… C’est la vie ce parfum délivrée par la lumière d’avril. Je voudrais que mon âme ait le même parfum. Et la bas, l’oiseau en fête répète ses coucous qui changent de place, narguent le vieil hiver, ennuyeux, félicitant le printemps qui prend place, jouent à cache-cache avec les quatre vents. Si j’étais un poète, quels vers je composerais ? Si j’étais une sainte sur quelle prière je joindrais les mains ? Je ne suis rien qu’une petite Carmen de rien du tout. Mais il y a dans les humains prétend Musset, un cœur de poète, et la graine de sainteté. Dieu l’y jette avec le baptême. Alors je souris au large paysage, d’un vert incertain et frissonnant, au ciel en aquarelle mauve, à l’amour de Dieu qui passe, et je laisse chanter la presque poète, la novice en sainteté. Oh ce samedi ou la joie printanière amène dans l’âme un jaillissement merveilleux !! Oh Joie du printemps d’avril!!!!!!
Lundi 29 avril Quand je suis rentrée de la classe il faisait un temps tellement délicieux que je suis restée dehors à me promener dans ma campagne. Promenade une fois de plus dans la solitude que j’aime, les pensées prennent un rythme si pur. Et qu’il faisait bon respirer l’air au goût du foin brûlé ! comme il faisait bon écouter le silence et d’élargir mon âme aux frontières du monde ! J’aime tellement parfois que tout se taise afin que mon âme se retrouve seule. Que doivent être pour les religieuses ces heures de prière silencieuse, quelle force ! J’oublie le travail enfantin à surveiller la monotonie de la vie familiale et des occupations faisant sortir l’âpreté des préoccupations que ma mère surtout dans cette maison semble vivre et nous communique par sa triste figure. L’air léger pose une pureté sur mes lèvres. Je marcherais indéfiniment sur cette route que je vois longue et étroite devant moi, j’irais vers un monde nouveau auquel je rêve parfois, mais laisser la maison, ma mère qui a besoin de moi me semble t’il ? Les oiseaux défont le silence dans leur joie du renouveau et je songe en voyant passer toutes les autos, je songe a leurs occupants, gens heureux ou malheureux. Gens qui entendent chanter les oiseaux et qui chantent avec eux ou gens, à cause des tristes événements dont ils sont peut-être victimes, que ces chants d’oiseaux exaspèrent. Chaque auto est pour moi l’objet d’un interrogatoire. Où vont tous ces gens qui passent près de moi à une allure vertigineuse ? Se rendront-ils au bout avant que Dieu ne les rappelle à Lui ? Et je prie pour ces gens avec qui je me sens soudainement très liée. J'aime ces gens de la grande route, ces gens qui vont vers leur destinée. Que le seigneur les bénisse et les protège tous ! |