Cath. à Aluze
Quelques poèmes :
Haiku *
NUIT
*
Petits enfants de mes amours *
Je ne souffre plus *
Aucun homme... *
Papa-sculpte-et-maman-écrit *
JE VOUS AIME *
LE BONHEUR EST ALUZÉEN *
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Papa-sculpte-et-maman-écrit
Papa sculpte et Maman écrit
Et nous pauvre progéniture,
Gavés d'écrits, d'artisteries,
De gloire et de déconfiture,
Nous nous sentons parfois de trop
Dans cette éthérée atmosphère
Où d'inconscients père et mère
S'absorbent à créer du beau !
Papa sculpte des formes rares
Dans des bois durs, des ceps bizarres.
Son atelier, vraie tour d'ivoire,
Le console de ses déboires,
L'isole des enfants crieurs.
Le temps, la vie ne comptent plus!
Il n'est que des concepts tordus
Qu'il glorifie avec bonheur.
Maman écrit, c'est sa passion :
Plus volontiers elle cuit les mots
(les retourne dans son chaudron)
Qu'elle ne cuisin(e) pour la maison!
La maladie la prend la nuit...
Sans se forcer elle est sincère
Quand elle épanche sa misère,
Mais c'est aussi pour ça qu'on rit !
Des parents fous, des enfants pris
Dans une mer de contradictions :
Témérité/ paralysie,
Vouloir tenace et confusion...
Papa sculpte et Maman écrit!
Au diable les ceps et les mots:
Ils se prennent pour des génies,
Nous on essaye d'être normaux.
NUIT
J’ai le cœur éclaté. C’est le noir écrasant
de la nuit. Tout palpite en moi, et saigne et pleure
seule et nue dans le silence cruel
où tu reposes, paisible.
Ô nuit ! noche , night, nicht, néant... !
Toi, dans la nuit épaisse, tu dors
Mon ami, mon compagnon, mon enfant oublieux
Léger, tu t’es laissé aller sur les ailes
du sommeil béni qui ne me visite plus
Désespérément je me blottis contre
ton ventre
de satin, tes douces cuisses d’airain
Tu puises la chaleur des profondeurs de la nuit,
je la sens pénétrer mon corps.
Tu te revêts béatement d’innocence :
elle n’atteint pas mon cœur tuméfié.
Ô nuit blafarde ! noche, night, nicht, néant...
!
Ô mon noyé des abîmes ! Heureux inconscient
tu dors quand je veille, seule déchirée,
seule emprisonnée, le cœur écartelé
:
Les jours et les semaines, les cris et les coups
en vagues de douleur me submergent,
me font trembler...
Ma voix, mes paroles te blessent à tout instant
et tu cognes et tu mords en retour
comme un chien enragé. Justifié. Tu dors
du sommeil du " juste ".
Ta main chaude sur mon flanc vibre
de ses propres rêves. Je suis seule étouffée
par le silence de ton sommeil assourdi, assourdissant
Ô nuit ! noche, night, nicht, néant... !
Ô mon ami, mon frère, ma sœur, ma mère
Ma gorge hurle ton nom en silence
Mon front bac-à-larmes reste pétri d’angoisse
si proche du tien qui est si lointain, si loin
seul épanoui en ton sommeil d’enfant
tu reposes. Tu vis et je suis déjà morte
Incommunication suprême...
Ô nuit ! noche, night, nicht, néant... !
Petits
enfants de mes amours
Petits enfants de mes amours !
Avec vous, multiples soleils
La vie s'écoule en un seul jour
En foisonnement sans pareil!
Avec vous multiples soleils,
Kaléidoscopes vermeils,
Lutins sorciers, monstres gloutons,
Vivants, de toutes les façons,
Tout disparaît, meurt et s'efface,
Du monde ancien, pas une trace...
Boucles d'ébène(s) et dorées,
Petites mains, bouches gourmandes,
Fluettes voix si affirmées,
Babillages de vérité,
Vos petits corps tout en demande,
Vos tendresses à se damner!
Vous m'absorbez le cœur, la tête,
Les mains, le dos, tout le squelette;
Vous buvez aussi ma rebelle:
L'angoisse qui m'est habituelle.
Vous êtes hauts comme trois pommes,
Votre âge encor' se compte en mois,
Mais vous m'apprenez tout, en somme
Et faites de moi un exploit.
Bras potelés, cous si dodus
Qu'en vous baisant j'étreins le monde...
C'est un grand service rendu !
Comme l'expriment vos joues rondes
Et l'innocence sous-tendue :
"Mamie, elle est à tout le monde!"
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JE
VOUS AIME
O, vous tous qui venez me demander de l'aide
Vous ne pouvez savoir à quel point vous m'aidez!
O, vous tous qui osez une alliance inconnue,
Serrés dans un étau, démotivés,
perdus;
Vous qui, de la prison, vous obstinez à croire
Qu'un échange entre humains déracine le
noir;
Somnambules éveillés, chercheurs de vérité,
Mutants enténébrés,
Votre courage me rend chaque jour à moi-même...
Je vous aime !
Enfants cicatrisés, mal aimés, mal compris
Vous me donnez à lire les coutures de votre âme.
Je me retrouve en vous, marginaux du bonheur,
Et je vois, effarée, que vous me racontez.
Le flux de vos pensées, sentiments, faits et gestes
(étrange similitude des choses de ma vie !)
Exalte le moment et contient ma douleur.
Je vous aime !
O vous, très effrayés, qui osez me parler
O vous, très innocents, qui dites l'essentiel.
O vous dont les silences favorisent l'écho
Des douleurs secrètes qu'on n'écoute jamais.
Vous qui m'autorisez à donner sens aux mots...
O vous, même ignorants, aux paroles-miracles !
Les mots qui vous échappent percutent ma mémoire,
Vos images si justes me permettent de voir,
Et votre humour parfois désarme mon pouvoir.
Vous me faites témoin de votre vérité
:
Paroles, pont, passerelle, accouchement, passage,
Peut-on naître à sa vie si l'on n'est pas
soi-même
Au moins ici ?
Je vous aime !
Fille, puînée de garçons, condamnée
au silence,
S'obligeant à porter celle qui ne l'aime pas.
Eternel objet consentant
D'une mère infantile, ivre de confidences...
Ou : presque abandonnée, maintenue à distance,
Désespérément belle et ne le sachant
pas.
Vie tracée par avance,
Désespérément vide, ne se connaissant
pas.
Inlassable chercheuse de tendresse maternelle,
Je vous aime !
Et vous fils adulé, étouffé, inhibé
Ou bien trop jalousé, méprisé par
le père ou les frères,
Homme, vous m'émouvez et j'admire en silence
Votre virilité, et sa fragilité.
Je savoure chez vous cette infinie confiance,
Je suis grande à vos yeux !
Contrainte à m'oublier, j'écoute votre
détresse,
Celle de l'enfant blessé, inassouvi, anxieux...
Désespéré aussi et chercheur de
tendresse,
Je vous aime !
Fils et filles je vous vois, dignes malgré les
larmes.
Aériens dans ma bulle, enfantins et sincères,
Vous retissez l'espoir, tâtonnants, pas à
pas,
Père vous me voyez, au moins autant que mère,
Contenant de la peur et gardien de la loi.
Vos amants aux mille visages
Jamais ne m'indiffèrent !
Vos enfants sont les mêmes,
Vos parents sont les miens :
Par eux bien des ravages...
Que j'ai vécus aussi (ou les vivrai demain!)
Chez vous tous qui venez, la profondeur rayonne.
Ma pièce en est habitée.
Quand j'en sors, je ne suis plus la même :
Détendue et vivante, confiante et absorbée
Je vaque... mais garde en contemplation intérieure
Tous ces trésors cachés.
Compagnons et compagnes de la quête du sens,
Je vous donne un instant mon cœur compatissant,
Vous m'offrez votre histoire : nous échangeons
la vie !
Vous croyez que sans moi, vous tomberez en route.
Moi je sais que sans vous, invariable, je doute.
C'est à vous que je dois d'être ce que je
suis !
Je vous aime !
Patients si bien nommés, vous m'apprenez à
vivre,
A faire avec le temps, à patienter, à suivre
Votre désir, non à le précéder.
Amis vous devenez, étrangers et si proches
(par le monstre intérieur qui m'est si familier),
J'éponge votre angoisse pour mieux chasser la
mienne
...Mais ne me soucie pas de votre devenir.
Et la pensée de vous : papillon sur mon cœur.
La fleur qui le nourrit sait-elle qu'elle est fleur ?
1er Août 1999
NUIT *
Petits enfants de mes amours *
Aucun homme... *
Papa-sculpte-et-maman-écrit *
Je ne souffre plus *
JE VOUS AIME *
LE BONHEUR EST ALUZÉEN *
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Aucun
homme...
Aucun homme jamais,
Aucun homme jamais plus
Ne me gardera fermée
Entre ses deux bras puissants
Ni ne détruira mes élans
Sous prétexte de ma
Fragilité!
Aucun homme jamais plus
N'occupera mon territoire,
Terrain conquis,
Ni n'utilisera mon corps
Contre mon gré
Sous prétexte de son
Amour pour moi.
Aucun homme jamais plus
Ne brisera mes mots
A peine éclos
Ni ne violera mon silence,
Ma pertinence
Sous prétexte de son
Autorité.
Aucun homme jamais plus
Ne corrigera mes pas,
Ma direction,
Ni ne m'empêchera d'exprimer
Ma fantaisie d'oiseau blessé
Sous prétexte de sa
Supériorité.
Aucun homme jamais plus
N'attendra de moi la becquée
Passivement,
Heureux d'une esclave matée
Par un rôle écrasant
Pour servir sa
Virilité.
Aucun homme jamais plus
Ne rira de mes idées
Couvées dans le creuset des peines,
Ni n'éteindra mes pensées
Sous l'averse des siennes
Sous prétexte de ma
Féminité.
Que m'importent ma féminité
Et leur virilité!
Qu'aille au diable
Ma masculinité
Et leur féminité!
Peu m'importent
Les institutions
Et les définitions,
Leur protection
Ou ma dissipation,
La maintenance
Ou bien l'errance...
De mon jardin secret,
Mûri à la française,
Epanoui à l'anglaise,
Sourd lentement une sève invisible
Indifférente à toute censure,
Source indomptée, car c'est
Un esprit libre !
Mon esprit ébloui par ce discours brillant
Ne saurait l'interrompre et le laisse pendant.
La lumière l'aveuglant, il avance à tâtons,
Il a, tout cependant, perdu sa direction !
JE
NE SOUFFRE PLUS
Oserai-je retenir par des mots cet instant fugitif
?
Ce limpide moment où l'on perçoit soudain
qu'est tombé, par miracle, le carcan
de l'angoisse;
Comme lorsqu'on marche seul vers le bout d'un tunnel
et qu'à chaque pas s'élargit le paysage,
plus rayonnant qu'auparavant...
Je ne souffre plus !
Je suis guérie : mes os travaillent sans crier;
Quand posée sur mes pieds, ils s'empilent sans
mal,
Quand posée sur la tête, ils se font oublier!
L'inlassable douleur diffusée dans mon corps
(de l'échine au genou, de l'épaule à
la joue,
et la gorge enrouée et le ventre plaintif,
et l'oreille enflammée et le cœur palpitant...)
s'en est allée...
Et si les yeux me piquent, ayant trop regardé
L'écran de "Charlemagne" ou mon livre étalé,
Mes larmes sont taries, le chagrin n'a plus cours :
Je ne souffre plus !
Oserai-je lancer cette trille insolente:
"je suis guérie" ?
Où sont les insomnies, où est ma vigilance
Extrême et sans répit ?
Est-il possible encore de vivre sans souffrir ?
De naviguer le jour, de traverser la nuit
Sans ces déchirements ?
Un bouquet d'étincelles autrefois invisibles
Pour mon âme meurtrie, éclabousse l'humeur.
Serait-ce le bonheur ? Je feins de l'ignorer
Par superstition, pour mieux le savourer...
Je ne souffre plus!
En cette année 2000,
Notre lit conjugal n'est plus une prison,
La maison me retient mais ne me contient pas,
Et le jardin peut-être...magique et sans raison.
Des plantes-étendards fleurissent aussi mon cœur
:
Marion rebondit et Marie se marie,
Toutes les grâces éclosent à l'esprit
d'Amélie,
Et François a crevé les brumes du malheur!
Je ne souffre plus.
Confident inlassable des matins frileux,
Il tient son propre cap et ne pèse guère
plus
Qu'un danseur entraîné, fidèle compagnon.
Et Marion la mutine virevolte à foison,
Amélie la coquine rayonne de santé,
Jean-Baptiste en aiglon consciencieux et sans bruit
Vole seul et très haut, convole avec fierté...
Et François maintenant ose téléphoner!
Je ne souffre plus!
Je veille tout apaisée au plus noir de ma nuit,
Éclairée du dedans par mille lumignons
:
Petit Louis nage et lit, fin roseau épanoui,
Lucie campe une fée délicieuse et sincère,
Le calme de Célia, tendre petite mère,
Délivre tous ses dons, fait briller son regard;
François a déplié sa vie ratatinée,
Recommence à en jouir, il n'est jamais trop tard,
Il a désenfoui son noyau de gaieté ...
JE NE SOUFFRE PLUS !
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