les consignes

Première écriture – le samedi soir *

Inventer une écriture, un alphabet *

Un lieu pour soi *

Le dimanche matin *

Les métaphores *

Le dimanche avant le repas du soir *

Rencontre de M. Roger Carlu, ancien guide de Vallbonne *

Le dimanche soir *

Ecriture à parti du texte de la genèse *

Lundi *

Traduction, puis variations *

Deuxième temps : les variations *

Mardi *

Les flashs d’images *

Mercredi *

Le pont, et la mémoire des pierres *

Jeudi *

" Le grand danger " *



Première écriture – le samedi soir

Inventer une écriture, un alphabet

Outils : des bandes de papiers, des calames, de l’encre bleue ou noir,

Proposition : Inventer une écriture, un alphabet avec un pinceau ou un calame, de l’encre et une bande de papier mise horizontalement ou verticalement . S’essayer d’abord sur des feuilles de brouillon puis, quand on a apprivoisé l’outil, se lancer sur la feuille plus épaisse. Il y a une feuille par personne.

Après une demi heure, présentation des écritures dans la salle de groupe après que les feuilles aient été exposées sur les murs.

L’ expérience de " l’être traçant " peut se dire pendant la présentation, échos possible du public, pas sur le mode de l’interprétation mais sur celui du ressenti.

Proposition donnée le dimanche matin

Un lieu pour soi

Avoir dans la chartreuse un lieu pour la solitude

Aller tout les jours à heure fixe dans ce lieu afin de l’habiter

Y trouver son propre espace et sa propre temporalité : silence, écriture, contemplation, attente, détente…

Etre conscient de ce qui se produit dans ce lieu d’écart

Il peut être dedans, dehors, entre deux ( terrasse ou cour)

Il peut changer si cela s’impose

On y passe une quinzaine de minutes tous les jours à l’heure qui nous convient

Ce qui s’y passe : écriture ou pas, fait partie du travail d’écriture de la journée.

Il est possible d’indiquer chaque jour sur le plan de Valbonne affiché dans la salle de groupe le lieu et l’heure où nous y sommes allés.

Le dimanche matin

Les métaphores

( C’est le titre qu’on avait donné dans notre préparation,

mais le mot n’a pas été prononcé tant que les " métaphores " n’ont pas été écrites )

Nous sommes partis à pieds au dessus de Valbonne, dans une vigne d’où on voyait à la fois de la nature et du bâti : les cailloux et les herbes à nos pieds, les rangs de vigne, les murs et les toits de Valbonne, des massifs d’arbres, et le ciel.

J’ai demandé (je = Sylvie) de se poser à un endroit, et de regarder ce qui était là, autour, en laissant travailler l’imaginaire qui fait se superposer à la réalité présente une autre image, bien à nous celle-là. Les grains de raisin vont d’abord évoquer des billes, mais si on regarde plus longtemps, une autre image va nous arriver, plus inattendue, puis peut-être une troisième et une quatrième. Ne rien forcer, savoir attendre. S’autoriser toutes les échelles : le minuscule insecte peut devenir un monstre énorme, le clocher un joujou, … On peut tout prendre de ce qui nous entoure, Simone et son chapeau en font aussi partie. Changer d’endroit, ou non, au bout d’un moment, pour se donner un autre regard, mais s’imposer de rester, suffisamment pour que le monde se montre autrement.

Je précise que ce qui s’écrit là est le matériau pour l’écriture qu’on fera après.

On se retrouve ½ heure plus tard.

Là, sur place, avec encore tout sous les yeux, chacun lit ses " trouvailles ".

Je commence par expliquer que les images de chacun sont à tous, que chacun peut se saisir de ce qu’il entend. On se lit donc lentement ce qu’on a trouvé, et chacun prend en note ce qui le séduit. On lit dans le désordre, pas par personne mais par " sujet " : viennent les visions de la vigne, puis celles des toits, celles des fourmis ( qui nous accompagneront tout le reste du stage) , de la crête, …

On rentre à Valbonne pour la suite.

La consigne est alors la suivante : écrire à partir des images du matin, les siennes et/ou celles des autres.

Deux manières de procéder avec ce matériau :

  1. Il y a dans le lot une expression, ou image, qui " parle ". On la laisse parler. C’est une amorce, le début d’un fil, et on déroule la bobine.
  2. On relit la sélection qu’on a relevée lors de la lecture, dans tous les sens, en va-et-vient, dans le désordre, pour provoquer une ou des rencontres. Une écriture peut alors se construire à partir d’une rencontre, ou de plusieurs rencontres, qu’il y ait affinité, ou au contraire opposition entre les éléments qu’on fait se rencontrer.

Le dimanche avant le repas du soir

Rencontre de M. Roger Carlu, ancien guide de Vallbonne

Nous lui offrons une tisane, il nous raconte comment son itinéraire personnel l’a amené là un jour, et qu’il n’en est jamais reparti.

Nous allons ensuite avec lui dans la cellule du chartreux, et sa conversation continue à mêler le par-cœur du guide, ses souvenirs et commentaires sur les visiteurs, et la confusion entre son histoire personnelle et la destinée de cette maison.

Le dimanche soir

Ecriture à parti du texte de la genèse

Un exemplaire du texte de la genèse par personne, des feuilles et un support d’écriture

" recopiez ce texte sur une feuille blanche en mettant à chaque fois votre propre prénom et nom à la place de Dieu, sentez ce nouveau texte avec votre nom puis reprenez le texte une première fois puis une deuxième et une troisième si nécessaire, à chaque fois en l’infléchissant, le transformant avec vos propres mots et votre propre sens jusqu’à ce qu’il vous soit possible de le signer. Il se peut qu’ un ou plusieurs ou tous vos noms disparaissent. Utilisez le souffle, le rythme de ce texte comme un tremplin, comme un matériau musical, ou alors son intention, son sens . Tout est possible. Vous pouvez aussi partir au milieu, n’utiliser qu’une partie, vous avez une grande liberté

Lundi

Traduction, puis variations

Dans le grand cloître :

Je commence par exposer ce que Tardieu disait à propos de ses traductions des poèmes d’Holderlin : pour lui, ce n’était pas de la traduction. La véritable traduction est impossible, et tout particulièrement en poésie : les sons, les structures de langue, la culture, tout diffère d’une langue à l’autre. Non, on fait plutôt une transcription, disait-il. On réécrit, on passe d’un code à l’autre, en utilisant un autre système.

La traduction, pour lui, devient possible quand on passe d’un art à l’autre. Traduire un tableau par une musique, par exemple, ou par de la danse, là,c’est de la traduction. On exprime alors l’impression ressentie au contact de l’œuvre d’art. Il y a continuité. L’émotion est traduite autrement. Il y a d’ailleurs à travers les siècles régulièrement eu des affinités entre les peintres et les poètes.

Nous allons donc dans ce cloître traduire dans l’univers des mots ce que l’artiste exprime ici avec des lignes, des couleurs, des formes. Qu’on aime on non ce qu’elle a fait, peu importe. La consigne est d’entrer dans l’univers qu’elle nous propose, et deux manières sont possibles

la statique : parmi ces peintures il y en a une qui nous touche, à laquelle on est sensible. Se caler devant et y rester

la dynamique : c’est dans la succession, la rythmique liée à la déambulation que s’instaure une relation à ces peintures. Passer et repasser dans le cloître, regarder les fenêtres du dedans et du dehors, se laisser surprendre par ces apparitions.

Dans un cas comme dans l’autre, prendre le temps qu’il faut. Jusqu’à sentir qu’on y est, qu’on est en relation.

Alors, traduire en mots. Dire ce qui se passe, traduire l’émotion.

Ne pas décrire (du genre : " une longue ligne verte traverse etc ")

Ne pas dire son émotion (genre : " je me régale de suivre des yeux etc)

Trouver dans le monde des mots quelque chose d’équivalent à ce qui est là dans le monde des formes et couleurs, que les mots traduisent ce climat.

Ce peut être très concret. C’est être une rivière, ou une petite fille qui joue à la balle, qui va traduire ce qui est là.

Il peut y avoir, pour une même peinture, plusieurs traductions successives, correspondant à plusieurs regards qu’on y porte.

Il n’y a aucune contrainte de longueur. La traduction d’une même image peut-être très courte, ou très longue.

Il y aura cet après midi un autre temps d’écriture à partir de ces traductions

Deuxième temps : les variations

Pour donner la consigne de ce 2ème temps de l’écriture, nous partons de ce qu’est en musique la forme Thème et variations. Pour ce faire, Béatrice chante l’air tout simple de " Quand 3 poules vont aux champs " (ou " Ah vous dirai-je maman ", c’est le même, de toute façon, elle a fait Lala lala), puis une première variation, puis Sylvie une deuxième variation. On observe qu’il y a quelque chose de commun dans toutes ces versions, on reste dans le même univers, mais que chaque variation ouvre des espaces de liberté, avec des écarts, des fioritures, des développements …

En écriture, il va s’agir de sélectionner un extrait des " traductions " du matin, de préférence plutôt court, et l’écriture des variations va permettre de l’explorer. Dans ce peu (= dans ces quelques mots qu’on choisit ), il y a beaucoup, et les variations permettent d’ouvrir ce qui est dans l’extrait choisi.

On creuse, c’est de l’eau qui tourbillonne dans la phrase, la distend, l’allonge, la travaille …

On ne perd jamais le thème, on est dedans, mais on flirte parfois avec les bords, on frôle la tangente …

Plus concrètement, c’est peut-être autour d’un mot, avec un mot que va s’ouvrir une variation, ou bien en utilisant les parenthèses, ou encore des incises.

Impératifs :

  • commencer par exposer le thème, et finir, après les variations, en réexposant ce même thème.
  • numéroter les variations

Mardi

Les flashs d’images

La première partie de la consigne est donnée dès la veille, sur une petite fiche dans une enveloppe après la lecture de passages du livre d’ Annie Ernaux, " l’écriture comme un couteau ", et de deux passage de ses livres ou elle évoque des scènes d’enfance.

On repart avec les enveloppes et on les ouvre quand on veut. Chacun trouvera lui-même le moment et le lieu pour cette écriture, il suffit de l’avoir réalisée pour le lendemain à midi. On lit la consigne quand on est prêt à écrire

Première consigne :

Vous allez passer un long moment sans rien faire d’autre que de rêver et votre " rêverie flottante " va s’orienter sur des flashs d’images c’est à dire des bribes de souvenirs visuels de lieux, de visages, de films, de situations, d’affiches, ….. Vous avez tout votre temps, yeux fermés si c’est plus facile. Quand l’image se stabilise, quand le zoom s’ajuste, vous mettez votre feuille horizontalement, vous la séparez en deux. Sur le côté droit vous décrivez le plus précisément possible, sans fioritures ni interprétation ce que vous voyez. Sur le côté gauche, tout en restant en contact avec l’émotion qui résulte de cette image, vous notez ce qui est flou dans l’image, ou ce qui est juste avant et juste après, vous pouvez d’ailleurs inventer, vous pouvez aussi noter les associations qui viennent de l’image, vous pouvez aussi commenter ce qui vous arrive avec cette image, cela peut être imprécis et désordonné.

Vous faites ces deux choses conjointement : vous décrivez l’image nette et, dans les interstices, vous inscrivez le flou et ce qui s’y devine ; ou alors successivement : vous commencez par l’image précise puis quand elle est terminée, vous vous abandonnez au flou. Le texte de gauche sera plus long et moins construit, par exemple il peut avoir des phrases sans verbes, ou des répétitions, des incohérences etc….

Si vous n’avez pas du tout d’image écoutez votre fil de pensée, votre " image " est peut être auditive, cherchez en une expression précise et notez à gauche les interstices, ce qui est dans l’ombre, ce que vous entendez moins bien, ce que vous devinez ou imaginez.

Quand la description est précise et son flou consigné, vous vous lancez dans une autre rêverie sur une autre feuille. Aucune précipitation, il va y avoir de grands moments sans rien. Vous devez ainsi réaliser au moins trois photographies écrite. Si vous vous sentez de mieux en mieux dans cette expérience accumulez plus de matériaux, si les flashs tournent autour du même sujet, acceptez-le mais ne cherchez pas de continuité et n’élaborez pas de récit entre chaque flash.

Une feuille par évocation.

Vous pouvez vous déplacer entre chaque.

deuxième consigne donnée le mardi après midi :

Vous choisissez une des feuilles où se trouve décrit un flash d’image et le texte "interstitiel " qui l’accompagne et vous séparez la feuille en deux . Vous accrochez la demi-feuille où est écrite l’image précise à un fil avec une épingle.

Ces textes vont rester accrochés au fil, dans la salle de groupe, et chacun peut les lire.

Maintenant avec à la fois, le matériau que vous avez, c’est-à-dire la demi-feuille où il y a le " flou ", et le souvenir du texte que vous avez épinglé sur le fil, vous écrivez un texte.

C’est une nouvelle écriture de cette image ou du souvenir. Quand vous l’aurez écrit, vous pouvez faire l’expérience d’essayer ce que le texte donne en changeant de pronom. Vous avez écrit " je ", vous changez tous les " je " en " tu ", ou " il ", ou " elle ", et vous voyez ce que ça produit, ce changement va peut-être en entraîner d’autres.

Cette expérience peut être renouvelée avec une autre feuille.

Mercredi

Le pont, et la mémoire des pierres

C’est le jour où on sort !

Destination Pont-saint-Esprit. Nous n’avons pas quitté Valbonne depuis notre arrivée.

Le matin :

En passant par la vieille ville, nous arrivons sur la place entre les 2 églises, d’où on a la vue sur le pont.

20 minutes d’information sur l’histoire de Pont-Saint Esprit, sur ce pont, sa construction, le Rhône, les axes de communication dans ce pays.

½ heure laissée à chacun (rêverie au bord du Rhône, achats urgents, suite du parcours historique avec Simone, …) et rendez-vous à l’entrée du pont.

Nous passons le pont, à pieds, et, sur l’autre rive, consigne :

Le point de départ, c’est :

  • l’hypothèse, pas du tout farfelue, de certains scientifiques qui pensent que les moyens d’investigation de l’archéologie vont évoluer et permettront de capter dans les pierres et parois rocheuses la présence des voix passées. Nous saurons un jour comment parlaient les hommes préhistoriques de Lascaux , ou les esclaves qui ont construit les pyramides d’Egypte.
  • un passage du Quart Livre de Rabelais : il y raconte que des matelots entendent des bruits de voix inexpliqués, puis déversent sur le pont du bateau d’étranges galets brillants qui fondent en laissant échapper toutes sortes de bruits de bataille et de voix. Il s’avère que ce sont des paroles gelées qui, suite à l’adoucissement des températures, revivent, redeviennent sonores au fur et à mesure qu’elles dégèlent.

L’écriture du jour repose donc sur le fait que les pierres qui nous entourent, pierres de construction du pont ou galets roulés par le Rhône et échoués là, toutes ces pierres ont une mémoire, une mémoire qui s’étend largement sur tous les temps : mémoire du passé, du présent et du futur.

On va pouvoir recueillir ce qu’elles ont en mémoire, capter des sons et des paroles non pas gelés, mais ici pétrifiés.

Il va donc falloir opérer des enregistrements. Ce ne sera pas évident, il y aura sans doute un effort à faire, et il faut s’attendre à percevoir du son, mais pas obligatoirement du sens.

Du son, du bruit, du brouhaha, des bribes, et au milieu de tout ça peut-être des morceaux un peu plus longs, des paroles.

Vous transcrivez du mieux que vous pouvez, car les limites de notre alphabet ne permettent pas de transcrire tous les sons.

Vous faites - soit une seule prise, un peu longue

- soit plusieurs prises, auprès de pierres différentes : 3, 5, ou 7 prises

Ces prises serviront cet après-midi, il y aura une autre consigne.

L’après-midi :

Après le repas, deuxième temps de la consigne :

Il s’agit, dans les enregistrements du matin, d’isoler un, ou éventuellement plusieurs fragments, ou signes, ou enchaînements de sons, et d’y voir un ou des germes d’écrit.

Cet écrit peut être, c’est vous qui allez sentir ce qui " sort " :

  • une description,
  • un récit,
  • un conte,
  • le scénario d’une séquence de film,
  • un article de presse,
  • une méditation,
  • une conférence

Jeudi

Animation proposée par Jacques

" Le grand danger "

Reconstitution de mémoire

" Il est évident que nous sommes en grand danger.

Ceci même est la raison pour laquelle notre courage doit être encore plus grand.

Il y a quelque chose de bon même dans les pires choses .

C’est le devoir des hommes que de savoir l’extraire "

Shakespeare ( Henri V )

Cette citation est le point de départ, le moteur de son animation.

1. Nous commençons assis en rond, sans papier ni crayon. Il la répète deux fois en nous demandant d’être attentifs à l’état dans lequel elle nous met, de garder en nous cet état. Eventuellement fermer les yeux. Puis chacun dit en quelques mots cet état. Béatrice et Sylvie prennent des notes.

Il sort de tout : des images, des émotions, des verbes d’action, …

2. La même chose. De nouveau, nous entendons ces phrases à 2 reprises. De nouveau chacun s’exprime. C’est pris en notes.

3. Nous sortons de la Chartreuse, et, sur l’herbe, nous formons un grand cercle. Chacun à tour de rôle va au centre : pendant qu’il réentend les phrases, ainsi que ses propres mots, qui ont été pris en notes, et qu’on lui redit à plusieurs reprises, il doit exprimer de façon corporelle sa réaction. Ces réactions sont très variées, et s’expriment de manière intense.

4.On se rapproche, et chacun définit ce qu’il vient de vivre corporellement. C’est de nouveau pris en note.

5. Jacques nous demande alors de jouer le contre-personnage : ce qui serait l’inverse de ce que nous venons de vivre et d’exprimer. On reforme le cercle, et chacun joue ou décrit son contre – personnage

Nous sommes alors mûrs pour écrire ! Béatrice et Sylvie redonnent à chacun les petits papiers sur lesquels sont écrits ses mots et phrases, et l’écriture démarre.

Surprise de 2 stagiaires qui demandent : " Mais il n’ y a pas de consigne ? ", à qui on répond qu’avec tout ce qui vient de se passer, ils ont de quoi écrire.

(document réalisé par Béatrice et réservé au " Petit groupe ")




 vers Valbonne 2003