Fantasmes
Jean s’est couché dans le lit … du Rhône
Il voulait faire l’amour avec la rivière.
Plus d’eaux tumultueuses !
Ne restaient que des galets disparates.
Ça et là l’herbe !
Non pas l’herbe mais les roseaux et les teignes !
Impossible d’éviter les piquants !
Qu’elles étaient loin ces batailles de gosses
qui en fin d’été utilisaient ces projectiles ! Le plus drôle
était d’en agglutiner une poignée dans le dos de l’adversaire
! Le pire était de s’en prendre plein les cheveux !
« Houille ! t’as pas le droit ! j’vais
l’dire ! »
Une vieille souche échouée là sans raison
attendait …
Attendait la prochaine montée des eaux pour se déplacer.
Jean revivait ses fantasmes : il voulait toucher, caresser …
Sentir sous ses doigts naître le désir de sa partenaire
;
Il imaginait sa peau douce ; elle ne disait rien …
Il se sentirait en communion avec sa demande …
La vieille souche était habillée d’un haillon
Qui s’était accroché à ses moignons
Lors de la dernière crue du fleuve.
Plus loin, un gros câble d’acier tout rouillé s’incruste
entre les cailloux.
Il n’espère pas bouger de si tôt lui !
Il a fait son travail si longtemps en amarrant les barges de
sable.
Vrommmmmmmmmmmmmmmmmmmmm !
Jean entend encore les sirènes des remorqueurs
se frayant un passage avant de s’engager sous les arches.
Il est épuisé par ses tentatives infructueuses
pour retrouver sa partenaire et jouir enfin !
Il s’étale au soleil et regarde passer les voitures sur
le pont …
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